Avant d’être ce chanteur de variété que la presse tourne en dérision, Francis Lalanne est un citoyen engagé, toujours prêt à fustiger les errances de l’humanité.

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S’il s’était promis de ne jamais refaire de politique, Francis Lalanne a pourtant rompu son vœu et cédé à l’appel d’un collectif d’associations dont il a récemment pris la tête. Il représentera donc le collectif « 100 % » aux élections législatives de juin 2017 et tentera de porter avec les 28 mouvements qu’il accompagne des valeurs écocitoyennes (Sur la liste du mouvement 100% La force éco-citoyenne, à Evry, en Essonne,  le chanteur a récolté le 11 juin 2017 1,08 % des voix. Dans cette circonscription, Manuel Valls est arrivé en tête).

Le Zéphyr : Vous faites votre retour en politique après plusieurs années d’absence. Pourquoi ? 

Francis Lalanne : Il y a plusieurs années, je m’étais promis de ne plus faire de politique et de ne plus participer à aucune campagne électorale. Mais Jean-Marc Governatori (co-secrétaire national du parti de l’Alliance écologiste indépendante, ndlr) est venu me voir pour me parler d’un projet qui lui tenait à cœur. Après des échanges nourris, j’ai finalement dit oui. Je n’ai pas pu résister à l’appel des camarades.

Après mes diverses expériences dans le monde de la politique partisane et notamment ma participation à plusieurs campagnes législatives, je pensais que mon engagement devait prioritairement passer par la création artistique. Mais après avoir discuté longuement avec Jean-Marc, j’ai compris qu’une candidature était plus que nécessaire. J’ai donc repris la route et réinvesti la rue, comme je l’ai toujours fait. La politique, la vraie, c’est celle de la rue.

Les mass medias vont sûrement vous tomber dessus, non ?

Cela ne me préoccupe pas le moins du monde. Je ne m’engage pas auprès de « 100% » pour plaire à un public ou un autre. Je le fais parce que je suis sincèrement persuadé que le monde peut être meilleur que ce qu’il est aujourd’hui. Je prends la parole parce que je pense que l’Homme est bon par nature. Ce sont les systèmes sociaux, les normes, les castes et les rivalités qui noircissent sa perception des choses, comme le disait Jean-Jacques Rousseau.

Oh, Manuel !

Quelle différence faites-vous entre votre engagement politique et votre carrière de chanteur ?

La politique et l’art sont indissociables à mon avis. Ils se complètent et se prolongent naturellement. Je savais bien qu’en me présentant, je serais la cible de moqueries. Je l’ai donc fait pour que tout le monde sache que « 100% » existe. Nous avons 577 candidats pour les prochaines législatives. Les gens commencent à s’y intéresser, à nous voir et nous reconnaître.

Pour être tout à fait clair sur mon parcours et balayer l’image que l’on a souvent à mon égard, je dois préciser que mon engagement politique est ancien. Il date de l’adolescence. Outre les manifs auxquelles j’ai participé, il s’est traduit par de nombreuses chansons « Mes mains de chômeur », « Le champignon nucléaire » ou « Darfour ».

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Comment décririez-vous le collectif des «100%» auquel vous participez ?

Ce n’est pas un simple collectif. C’est un pacte qui lie 28 associations et mouvements politiques et citoyens. Nous entendons proposer une alternative aux conceptions actuelles et aux partis classiques. Nous ne sommes pas dans une démarche de dicter un programme prédéfini, mais de nous unir autour de valeurs communes et de priorités. Tout cela donnera lieu à la définition d’un label de candidats et de mouvements respectant le contrat d’alliance que nous portons.

Jean Lassalle

Votre collectif est notamment soutenu par Jean Lassalle, député des Pyrénées-Atlantiques et ex-candidat à la présidentielle. Que répondez-vous à celles et ceux qui ont peur d’une récupération politique ?

Dans ce monde politique que je critique, il reste encore des personnalités sincères et honnêtes. Jean en fait partie et je ne crains aucune récupération.

Que proposez-vous de faire en cas de victoire dans une circonscription ?

Dans une circonscription où nous serions élus, nous privilégierions le débat et la pluralité des opinions. Le tout, en stimulant la contradiction. Le débat… et donc la démocratie, naissent de la contradiction. Pas du consensus. Nous irons vers davantage de transparence et nous irons promouvoir l’éco-responsabilité dans tous les aspects du fonctionnement de cette circonscription. Plus largement, ces principes et ces valeurs doivent également être portés par les citoyens. On ne les obligera pas à se révolutionner, à changer leur mode de pensée. Ils doivent faire ce chemin par eux-mêmes.

Et à l’échelle de la France ?

Aujourd’hui, que l’on vote Fillon, Macron, Hamon ou Le Pen, on vote forcément pour un candidat guidé par le système financier, l’appât du gain. Il faut couper court à cela. Si je devais arriver aux responsabilités, je ne prendrais pas un seul centime. Un élu doit être au service des citoyens et non l’inverse. Aujourd’hui, la République n’est pas là pour assurer le bonheur des Français, mais pour garantir la prospérité de l’Etat.

Il aime les arbres

Il aime les arbres

Vous parlez beaucoup d’éco-responsabilité. Pensez-vous que ce soit indispensable pour préparer l’avenir ?

C’est indispensable. Et ce sont les citoyens qui doivent porter ce principe en premier. A mon sens, il faut sortir de ce système d’exploitation barbare du monde animal. Les abattoirs ne devraient pas exister et nous devrions progressivement nous éloigner des conceptions classiques d’une alimentation carnée.

Doit-on voir dans la sortie de votre album hommage à Léo Ferré un quelconque clin d’œil à votre engagement actuel ?

C’est un disque que j’ai enregistré avec un formidable groupe marseillais qui s’appelle « Carré Blanc ». Cet album est un hommage à mon ami et mentor. Nous partagions des rendez-vous régulièrement durant lesquels nous parlions de poésie, beaucoup de poésie même, et d’engagement. Comme je le disais, la parole de l’artiste est indissociable de son engagement. Ce double CD est donc totalement dans cet ordre d’idée.

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Trouvez-vous une certaine plénitude dans votre engagement ?

Il n’y a pas de bonheur dans ma démarche politique. Il n’y a que le sens du devoir et du sacrifice, du don de soi. La vie n’est pas faite que pour recevoir. Il faut être capable de donner. Mais au-delà de tout ça, le bonheur peut exister dans un principe de fraternité, d’union et d’engagement mutuel.

Jérémy Felkowski