En France, l’association Wany the pooh s’engage en faveur des animaux sauvages en période de feux de forêt. Cette année, elle s’est en particulier mobilisée dans l’Aude, dans le massif des Corbières, comme nous le raconte Rémi Sanchez, l’un de ses bénévoles. « On vise à documenter l’impact des flammes sur la faune », nous dit-il.

Note de la rédaction : Le Zéphyr publie régulièrement dans le magazine les photos animalières de Rémi Sanchez, en particulier des images d’insectes et d’oiseaux. Vous en retrouverez dans le n°22, un opus consacré au rewilding. Là, on a voulu en savoir plus sur son engagement bénévole.

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« Rechercher des cadavres ou des survivants »

Le Zéphyr : Quelles actions mènes-tu pour l’association Wany the pooh ?

Rémi Sanchez : L’association a été lancée en juin 2023 par Romain Bareyt et Marine Laullon pour sauver les animaux en détresse, en particulier après un feu de forêt. Pendant et surtout après les incendies, le collectif, grâce à une équipe de bénévoles dont je fais partie, vise à recenser les animaux trouvés sur une zone donnée. L’idée est de la quadriller à la recherche des cadavres et des rescapés pour pouvoir montrer l’impact que peuvent avoir les flammes sur la faune. On répertorie des insectes, des escargots, des mammifères, des rapaces…

Il peut nous arriver, lors d’une intervention, de suivre des individus afin de leur donner à boire ou de leur laisser de la nourriture et voir s’ils arrivent à reprendre des forces. En fonction de l’état de détresse des individus découverts, on peut en outre les capturer en vue de les emmener en centres de soins ou chez un vétérinaire.

« Je forme les bénévoles à apprendre à reconnaître les animaux »

Où intervenez-vous ?

L’association se mobilise partout en France. En revanche, elle ne se lance pas sans avoir l’accord des autorités, comme la préfecture ou la mairie des communes concernées. Le Service départemental d’incendie et de secours (SDIS) nous dit quand le feu est éteint sur telle ou telle zone et quand on peut s’y rendre. Mais il convient de respecter les limites et ne pas sortir du périmètre.

Comment as-tu découvert l’association ?

Elle cherchait début 2024 un photographe éthique en vue de réaliser un calendrier. J’ai proposé mes services, et dans un premier temps j’ai fourni une série de clichés d’animaux que je détenais. Elles ont été valorisées durant des salons en tant que support d’images. Ensuite, j’ai été formé pour être bénévole.

Dorénavant, je forme en compagnie de Marie Laullon, qui est à l’origine de Wany the pooh, les personnes qui veulent nous filer un coup de main sur le terrain. On leur apprend à reconnaître les espèces qu’on peut trouver, avant de passer en revue la législation au sujet de la faune sauvage. Et on fait des exercices de capture, de recensement pour mettre les personnes en situation.

« On était dans le massif des Corbières »

Cette année, les feux de forêt ont été très nombreux en France. Où êtes-vous intervenus ?

On est allés dans un premier temps à Narbonne au sein du parc de Fontfroide, puis dans le domaine de Réveillon (à Bages dans l’Aude). Le feu était maîtrisé depuis quelques jours et on était une cinquantaine de bénévoles. L’opération a duré trois jours.

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C’était plus compliqué pour notre deuxième intervention dans l’Aude à la suite du mégafeu des Corbières qui a ravagé 17 000 hectares. On y est restés une semaine. On a couvert l’ensemble des villages touchés. Il a fallu qu’on soit toujours accompagnés par une autorité, à l’instar des pompiers. Là, environ 200 personnes ont participé à l’opération. Mais tout le monde n’est pas parti sur le terrain, beaucoup ont aidé autrement.

On s’est rendus sur des zones où l’incendie était éteint, mais ça fumait encore depuis le sol. Et on a été amenés à éteindre de nouveaux départs de feux. On vient ainsi en aide aux pompiers. Globalement, on était en forêt et dans des zones cultivées, notamment dans les vignes.

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« Parfois, on ne peut même plus voir les corps sans vie… »

Qu’avez-vous découvert comme animaux ?

Dans l’Aude, cela a été très marquant, on est tombés sur de nombreux cadavres carbonisés. On est tombés en particulier sur un marcassin, un renard, une martre et un faon… Il y avait aussi des criquets, des papillons.

Marcassin © Rémi Sanchez, dans l’Aude

Les corps sans vie que vous retrouvez sont-ils pour autant tous identifiables ?

Vers Narbonne, durant notre première opération, on a trouvé des insectes morts, qui était tout de même identifiables. En revanche, on n’a presque rien trouvé sur certaines zones dans le massif des Corbières. C’est dire la violence des flammes, pour les animaux.

« On suit les animaux en détresse pour voir si leur état se dégrade »

Pour les survivants, qu’avez-vous entrepris ?

On a trouvé lors des recensements des libellules, des papillons, mais peut-être sont-ils venus après le feu . Au fond d’une crevasse, on a découvert à un moment des escargots survivants qui se sont sans doute cachés. Au cours des fouilles pendant la nuit, on a vu des chevreuils, des renards, ainsi que des chats domestiques.

Dans tous les cas, on note la position GPS pour y retourner la nuit suivante et voir si on arrive à les détecter à nouveau. Par exemple, on a suivi durant trois jours un blaireau complètement brûlé pour savoir si son état se dégradait, et s’il consommait la nourriture qu’on lui laissait. On lui a aussi mis de l’eau.

© Rémi Sanchez, dans l’Aude

Avez-vous pu en sauver cet été ?

On a regardé si les animaux reprenaient des forces. Si les individus n’ont pas de chance de survie à l’extérieur, on a la possibilité de les capturer pour les emmener en centre de soins ou chez un vétérinaire partenaire. Cet été, cela est arrivé par exemple pour un renard et un chevrette. Mais les deux n’ont malheureusement pas survécu à la suite de leurs blessures trop sévères. En revanche, ils ont été accompagnés, et ils ne sont pas restés en souffrance pendant des jours.

Nous avons aussi aidé des animaux domestiques, tels que des chats, des coqs ou des chèvres. Et ils ont été sauvés par notre vétérinaire partenaire. Nous prenons des nouvelles régulièrement, notamment la propriétaire d’un des chats fortement brûlés dont on a pris soin. / Propos recueillis par Philippe Lesaffre