Le fonds de dotation Forêts en vie, appartenant au réseau pour les alternatives forestières (RAF), rachète des parcelles de forêts privées afin de parvenir à les protéger. Nathalie Naulet, la coordinatrice, nous explique comment Forêts en vie en prend soin. « Nous promouvons une gestion collective des forêts. »
Le fonds de dotation Forêts en vie, qui vient de lancer une campagne de financement participatif (sur Miimosa), détient actuellement une centaine d’hectares de forêts en France, dans le Lot, la Corrèze, la Creuse, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme, et la Haute-Marne. « Grâce à nos sept forêts, plus d’une cinquantaine de personnes mènent des activités en forêt en respectant le vivant. Ainsi, elles se réapproprient le devenir de leur environnement proche », glisse Nathalie Naulet, la coordinatrice du fonds de dotation, au média Le Zéphyr.
Retrouvez le podcast En Forêt et l’entretien de Nathalie Naulet
Le Zéphyr : Qui détient les forêts ?
Nathalie Naulet : Je peux vous donner quelques chiffres pour mieux comprendre le contexte. 75 % de la forêt française est privée, soit 13 millions d’hectares. Elle est détenue par 3,5 millions de propriétaires, la plupart ont plus de 65 ans (plus de 64 %). Ils ont des petites parcelles le plus souvent : la taille moyenne est de moins de 4 ha par propriété, ce qui complique la gestion et la mobilisation des propriétaires. On trouve plus de 20 millions de parcelles cadastrales forestières, dont une grande part inférieures à un hectare. Ce morcellement ne simplifie pas les choses.
« Avenir des forêts de plus en plus incertain »
Qui sont les propriétaires qui vendent leur bois ?
60 % des bois récoltés en forêt privée provient des propriétés de plus de 100 ha (qui ne représentent que 30 % de la surface totale des forêts privées). On parle donc d’une forte récolte effectuée sur une surface restreinte.
Comment se portent les forêts ? Et pourquoi faut-il se mobiliser selon vous ?
Leur avenir est de plus en plus incertain et imprévisible dans le contexte de changement climatique que l’on connaît (maladies, attaques de ravageurs, tempêtes, sécheresse, etc.). Pour autant, les prix des forêts continuent de monter : le prix moyen national reste sur un plateau élevé autour de 4 200-4 500 € / ha.
A tout cela s’ajoute une gestion intensive des forêts menée à coup de coupes rases et de plantations monospécifiques (d’une seule essence d’arbre), avec des engins forestiers de plus en plus lourds qui mettent à mal les sols et toute leur biodiversité, sans aucune prise en compte de l’écosystème forestier dans son ensemble.
Les forêts sont nos paysages, l’eau que l’on boit (plus de 60 % de nos captages d’eau potable sont en forêt), l’air que l’on respire… C’est pourquoi il est vital d’agir aujourd’hui pour proposer un autre rapport à ces écosystèmes complexes et précieux.
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« La coupe rase n’est pas une option »
Ainsi, vous achetez des parcelles de forêts privées… Pourquoi ?
En acquérant des parcelles de forêts, nous reprenons la main sur leur devenir. Il est alors possible de choisir les activités qui y seront menées et dans quelles conditions, de décider quel mode de gestion sera appliqué car, NON, la coupe rase n’est pas la seule option.
Devenir propriétaire est un vrai choix pour agir concrètement sur la préservation de son environnement, et à Forêts en Vie nous allons plus loin en proposant une gestion collective, social et éthique de la forêt.
La sylviculture se pratique selon des méthodes qui préservent les écosystèmes, prennent soin du vivant dans son ensemble et attachent une grande importance à une juste rémunération de tous les travailleurs et travailleuses de la forêt et du bois.
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Justement, comment sauvegardez-vous les forêts que vous achetez ?
Nous acquérons des forêts pour les remettre à disposition à des associations locales. Nous accompagnons d’abord des projets : des projets soucieux de maintenir des forêts vivantes, ouvertes à toutes et tous, soutenant un esprit de communs forestiers. L’acquisition foncière arrive une fois que nous avons décidé d’accompagner les projets des associations souhaitant prendre soin des forêts de leur territoire.
Ainsi, à travers l’acquisition, nous promouvons une gestion collective des forêts, tout en offrant des solutions concrètes pour la préservation de la biodiversité et le renforcement du lien social. Nous agissons dans un esprit de solidarité et d’autonomie, d’éthique et de respect du vivant.
« Modèles de sylviculture douce »
Est-ce que vous savez quel impact votre mobilisation a eu sur les forêts achetées ?
Grâce à nos acquisitions, nous savons déjà que nous avons préservé plusieurs dizaines d’hectares de la coupe rase ou du broyage, car c’est ce qui était prévu dans le plan de gestion de ces forêts. Dans nos modèles de sylviculture douce, les coupes rases sont proscrites et nous favorisons toujours les dynamiques naturelles pour régénérer les forêts (pas de plantation monospécifique).
Les associations qui prennent en charge nos forêts ont à cœur de repérer et de préserver les habitats dans lesquels se développent une faune et une flore bien spécifiques, de maintenir du bois mort sur pied et au sol car c’est de là que vient la vie de la forêt, de maintenir en permanence un couvert forestier afin de protéger les sols, de proposer des sorties pédagogiques, des chantiers participatifs… Toujours, dans l’optique de partager les savoir-faire et les savoir-être, et de sensibiliser aux pratiques vertueuses en forêt. Informer, sensibiliser, partager, favoriser, préserver sont les actions « pilier » des projets que nous soutenons.
Dans certaines de nos forêts, des placettes pour le suivi des indices de biodiversité (IBP) ont été mises en place. Celles-ci nous permettront de voir, sur le long terme, l’évolution de la dynamique des écosystèmes. / Propos recueillis par Philippe Lesaffre

