En montagne, des citoyens, des entreprises, des associations lancent des initiatives et imaginent les territoires du futur dans ces zones fortement impactées par le changement climatique. Autant de projets, des refuges aux sommets, des Alpes aux Pyrénées, en passant par le Massif central, que les journalistes Sandy Plas et Mathias Virilli ont souhaité valoriser dans leur livre Demain la montagne (Glénat, 2022). Le Zéphyr a échangé avec Mathias Virilli, également rédacteur en chef de Montagnes Magazine.

Vous lisez un extrait du Zéphyr n°14 Montagnes, merveilles et périls. Le Zéphyr est un média indépendant, porté sur la protection du vivant, financé par ses lecteurs et lectrices. Découvrez le sommaire du spécial « Protection des sommets » par ici, puis commandez l’opus. Vous pouvez aussi vous abonner ou acheter le numéro en PDF. Bonne lecture, et merci !

« Il est possible de mettre en place des actions pour faire en sorte que les territoires soient plus vivables »

Le Zéphyr : Pourquoi ce livre ? Est-ce l’idée de montrer que cela bouge au sein des territoires, car les initiatives ne sont pas assez visibles ? 

Avec Sandy, co-autrice, on voulait faire comprendre que les territoires de montagne agissent pour leur avenir. Bien sûr, on ne prétend pas à l’exhaustivité. Le livre ne présente qu’un échantillon des initiatives qui ont vu le jour un peu partout, pour montrer l’étendue des possibles. La plupart sont d’ailleurs réplicables dans d’autres territoires. On voulait couvrir l’ensemble des massifs métropolitains plutôt que de se cantonner aux Alpes, en incluant les vallées et pas seulement les hautes montagnes. Les initiatives dont on parle n’ont pas toutes vu le jour récemment. Parfois, elles ont été appuyées par des collectivités territoriales. 

Par exemple, la réserve internationale de ciel étoilé du pic du Midi a été imaginée, à l’initiative d’une association au départ, mais cela a eu ensuite des impacts sur l’ensemble de la collectivité.

Afin de protéger le ciel autour du pic du Midi, la communauté de communes s’est engagée à respecter une charte. Cela a débouché sur un programme de rénovation de l’éclairage public, ce qui a permis de baisser la consommation électrique sur le territoire en question. En fin de compte, les bénéfices se mesurent à plusieurs niveaux. 

En tout cas, ce livre souhaite montrer qu’il est possible de mettre en place des actions pour faire en sorte que les territoires soient plus vivables, à l’avenir.

les couvertures du Zéphyr

S’agit-il aussi de sensibiliser et d’inspirer les acteurs dans les zones de montagne ?

Je pense que les acteurs du milieu sont tous sensibilisés au changement climatique : les montagnes sont en première ligne, les effets sont visibles. Après, il y a dissension sur la méthode et le calendrier. On parle beaucoup de transition du modèle touristique. Mais à quoi ressemblera le nouveau ? La définition n’est pas la même pour tous. Les échéances varient également pour les acteurs, car ils n’ont pas tous les mêmes impératifs économiques. 

La transformation va venir de la moyenne montagne, car c’est là où les impacts sont les plus forts. Les stations au-dessus de 2 500-3 000 mètres d’altitude, par exemple en Savoie, seront moins inquiétées d’ici 2050 que celles situées aux étages inférieurs en ce qui concerne l’irrégularité de la ressource en neige, en particulier. Cela ne signifie pas que les risques n’existent pas tout en-haut pour autant, que ce soit des suites d’écroulements ou par rapport à des projets d’aménagement. 

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Il y a également la question de l’eau, un problème auquel on n’est pas habitués en montagne. L’été 2022 a pourtant été très frappant, avec des impacts sur les alpages ou sur les refuges, dont certains ont fermé plus tôt que prévu parce qu’ils manquaient d’eau. La question du partage de la ressource avec l’aval, les vallées plus arides, se pose dès aujourd’hui.

Mais des alternatives existent, donc, dans des domaines bien différents… On peut noter d’abord les épiceries itinérantes visant à couvrir des territoires délaissés…

C’est typiquement une initiative qui existe dans plusieurs vallées, sous des formes différentes. Pour les habitants, c’est indispensable d’avoir une épicerie locale. En ce qui concerne La Vagabonde, l’idée est partie d’un souvenir d’enfance : le klaxon du boucher qui passait dans le village des personnes à l’origine du projet. Aujourd’hui, celles-ci ravitaillent, à leur tour, la vallée de la Maurienne, en Savoie, et répondent à un réel besoin. C’est une histoire touchante.

Vous citez aussi des associations, notamment Inspire, qui agit sur les questions de pollution de l’air.

Cela fait 25 ans que la structure est active, pour améliorer la qualité de l’air au pays du Mont-Blanc. Elle se mobilise contre tous types de pollution : émissions de particules fines industrielles, chauffage au bois, nuisances du transport routier, avec quelques victoires à son actif.

Autre exemple, Mountain Wilderness, qui se bat notamment contre les installations obsolètes…

L’association porte de nombreuses initiatives, mais sur les installations, elle se mobilise depuis 20 ans pour les retirer du paysage montagnard. Il s’agit notamment d’installations militaires datant de la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi d’installations agricoles à démanteler et des remontées mécaniques oubliées. 

Dans le Parc national du Mercantour, ce sont des tonnes et des tonnes de déchets qui sont enlevées chaque année, souvent des fils barbelés, mais aussi, parfois, d’anciens obus. Côté industriels, ça bouge aussi. Depuis la loi montagne en 2016, pour toute nouvelle installation de remontées mécaniques, le démantèlement doit être prévu. Domaines skiables de France, le syndicat des opérateurs de remontées mécaniques, s’est récemment engagé à enlever celles qui ne sont plus utilisées… Le problème a été compris, même si ces installations font partie du patrimoine des villages de montagne, et qu’il y a un affect très fort de la part de certains habitants. 

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Et il y a la question de la protection des forêts, avec des citoyens qui rachètent des parcelles

Là encore, ce projet du Livradois, en Auvergne, existe sur d’autres territoires de montagne. Ce sont souvent des initiatives très locales, qui ne font pas beaucoup de bruit, mais elles témoignent d’un mouvement collectif de réappropriation citoyenne des biens communs. / Propos recueillis par Philippe Lesaffre, pour Le Zéphyr n°14 (Hiver 2022-2023)