TRIBUNE – Le Zéphyr propose des cartes blanches aux personnes qui se mobilisent pour le vivant, des membres d’associations, de fondations, des activistes ou encore des scientifiques.
Les zones humides disparaissent, mais des acteurs se mobilisent pour en restaurer, y compris de petite taille. Dans le Morbihan, la Fondation Yves Rocher pour la nature s’investit à La Gacilly au niveau d’une prairie inondable rebaptisée Observatoire de la biodiversité. Gaël Cardinal, chargé de projet pédagogique biodiversité, nous invite à « changer notre rapport au vivant ».
La Fondation Yves Rocher, reconnue d’utilité publique depuis 2019, œuvre pour la préservation de la nature en engageant les citoyens et en soutenant des programmes d’actions, tant à l’international que sur le territoire français, en particulier du côté du Morbihan.
Territoire historique de son mécène principal (le Groupe Rocher), le village de La Gacilly, non loin de Redon, est au cœur des projets bretons de la Fondation. En 2017, la Fondation (autonome dans ses décisions) et le Groupe Rocher s’entourent d’un collectif d’experts (EPTB Vilaine, le Groupe mammalogique breton, la LPO…) pour imaginer l’avenir d’une plantation de peupliers, en bordure de la rivière Aff (à l’emplacement d’un ancien champ de maïs, ndlr). L’objectif est de redonner un caractère naturel à ce site, et les alignements d’arbres ne reflètent que peu la dimension « sauvage ».
Ainsi, il a été décidé de retirer les peupliers au profit d’une végétation spontanée, caractéristique des prairies inondables. Et la faune associée n’a pas tardé pas à suivre… Des espèces patrimoniales s’y arrêtent, s’y réfugient et s’y reproduisent, comme le criquet ensanglanté ou l’hottonie des marais. Plus de 300 espèces d’insectes, de plantes, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles sont identifiées par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Parmi elles, il y en a de nombreuses qui ne vivent que dans ces espaces entre terre et eau, les zones humides. Un bruant des roseaux a même été entendu par un ornithologue de la LPO lors d’un inventaire sur le site – dans le cadre de la mesure de l’indice de qualité écologique.
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Les zones humides ont été dégradées par notre faute
Le sol, la flore et la faune des zones humides assurent des fonctions essentielles, comme la régulation des crues ou la filtration naturelle de l’eau. Ces milieux stockent aussi d’importantes quantités de carbone, contribuant ainsi à lutter contre le dérèglement climatique. En abritant des espèces rares et spécialisées, ils remplissent une mission vitale. Et se trouvent ainsi à la croisée des enjeux climatiques et de biodiversité. Leur sauvegarde est une nécessité, il est donc urgent de prendre la mesure de notre responsabilité.
Les zones humides sont des milieux qui ont été, par notre faute, largement dégradés ces dernières décennies. Or, sur le territoire, d’importants programmes d’actions se mettent en place, des réseaux d’acteurs s’organisent pour freiner les atteintes à ces espaces. C’est dans ce cadre que se situe le projet d’Observatoire de la Fondation Yves Rocher, à l’échelle de quelques hectares. Le programme que nous avons mis en place vise à aider les milliers d’individus non-humains (représentants de plusieurs centaines d’espèces) à habiter cet espace, mais l’humain y a toute sa place (un platelage a été installé pour cheminer sur la zone).
Une gestion douce sans perturber les évolutions naturelles
Il est primordial de réinventer notre rapport à ces espaces, ils sont trop souvent mal perçus. Pour cela, il est impératif de mieux les connaître par des inventaires naturalistes, des diagnostics de santé des écosystèmes, des suivis dans le temps. Les prairies humides comme celle de l’Observatoire sont des milieux dynamiques, qui évoluent sans cesse.
En l’absence de grands herbivores (qui autrefois broutaient sur le site en piétinant le sol), des saules ou des aulnes tendent à pousser et à s’installer. Une gestion douce est donc nécessaire pour freiner cette dynamique et remplacer, en quelque sorte, le rôle des herbivores disparus. Et ensuite, il s’agit simplement de regarder vivre cet écosystème, d’écouter et d’observer la nature.
En matière de gestion, il a fallu faire des choix pour notre zone humide. Sur le site de La Gacilly, le laisser-faire reste prioritaire. Les interventions, préconisées par les partenaires tels que Bretagne Vivante et la LPO, restent mesurées et ajustées. On parle de fauchage tardif après l’été ou d’écopâturage. Quelques moutons (appartenant à l’entreprise de travaux écologiques Breizh Moutondeurs) pâturent deux parcelles et empêchent les ligneux de coloniser le site. Les actions permettent de préserver l’équilibre écologique. Aujourd’hui, la plupart de la surface s’épanouit librement…
Mieux connaître et se reconnecter au vivant
De manière générale, il faut permettre au public de mieux connaître ce type de milieu, afin de participer à la reconnexion de notre espèce avec ses voisins non-humains. En Bretagne, l’Observatoire de la biodiversité accueille chaque année enfants et adultes lors d’événements nationaux (à l’instar des Fêtes de la nature) et propose de nombreuses animations.
Il s ‘agit en réalité de changer notre rapport au vivant. Le jour où nous observerons les têtards en lutte dans une mare qui s’assèche, non plus avec indifférence ou pitié, mais avec curiosité et désir d’agir, nous aurons franchi une étape décisive. En attendant, il est essentiel de continuer à donner une voix à ces espèces discrètes et souvent oubliées. / Gaël Cardinal
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