Dans les Alpes, les Pyrénées ou le Massif central, les vestiges de stations de sports d’hiver abandonnées s’accrochent au paysage, altérant sa beauté et mettant en péril la biodiversité de passage. L’association Mountain Wilderness France lutte contre cette pollution et demande un changement de la réglementation en vigueur. 

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Des installations fantômes sur les hauteurs

En avril 2025, l’association Mountain Wilderness France a interpellé les préfets de cinq départements (Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Isère, Pyrénées-Orientales et Haute-Savoie) pour leur signaler que des installations obsolètes n’étaient toujours pas démontées dans nos massifs. « Nous leur avons adressé un dossier technique complet, recensant les structures non démantelées sur leur territoire. Chaque fiche comprend la localisation, l’état de l’installation et les risques potentiels », détaille Élisa Flandrin, référente au sein de l’association.

Depuis 2001, Mountain Wilderness France cartographie minutieusement ces équipements laissés à l’abandon via un site accessible au public. « À ce jour, nous en avons identifié 101, réparties sur 56 sites dans les Alpes, les Pyrénées et le Massif central », poursuit la même.

Ce sont par exemple des remontées mécaniques désaffectées. On parle de téléskis figés, de barbelés rouillés, de poteaux disloqués… Ces vestiges marquent le paysage. « Beaucoup de ces installations ont été abandonnées à cause du manque de neige lié au changement climatique, et certaines n’étaient tout simplement pas viables économiquement, mais n’ont pourtant jamais été démontées. Aujourd’hui, elles rouillent en silence », dit-elle. 

Mais au-delà de l’impact visuel, ces structures posent de véritables problèmes pour les écosystèmes. Les câbles suspendus perturbent le vol des rapaces, piègent les chouettes et les autres espèces d’oiseaux. Les pylônes creux attirent des écureuils qui s’y retrouvent parfois prisonniers. Cela représente aussi un danger pour les humains : « Certaines lignes électriques sont encore alimentées, les structures rouillées sont accessibles aux enfants, et les fils tendus dans les airs représentent un danger pour les parapentistes », explique Élisa. S’y ajoutent des formes de pollution plus insidieuses : huiles, carburants, solvants ou produits toxiques laissés dans les anciens locaux techniques, qui finissent par contaminer les sols et les nappes phréatiques.

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Dans le même courrier précédemment cité, l’association a rappelé l’existence de la loi Montagne II.  

Que dit la loi Montagne ?

La loi Montagne, adoptée en 1985, concernait plus de 5 000 communes et visait à concilier développement économique et protection de l’environnement. Elle a été complétée en 2016 par une nouvelle version, dite loi Montagne II, qui renforce certains dispositifs. « Elle impose enfin des règles claires comme l’obligation de démonter les remontées mécaniques arrivées en fin d’exploitation, et de mettre à l’arrêt définitif les installations inutilisées pendant plus de cinq ans », rappelle Élisa Flandrin. 

En septembre dernier, le gouvernement a publié un guide technique pour expliquer les étapes cruciales : le débranchement de l’alimentation électrique, le retrait des câbles et des matériaux dangereux, la neutralisation des accès aux pylônes, ainsi que le démantèlement des constructions annexes. « Nous avons adressé notre courrier aux préfets, car ce sont eux qui ont le pouvoir de mettre en demeure les exploitants (qui ne respectent pas la réglementation, ndlr). Ils disposent alors de six mois à un an pour se mettre en conformité », précise-t-elle.

Lorsque l’exploitant a disparu ou n’est plus actif, ce qui arrive, la responsabilité de retirer ces installations obsolètes revient à la mairie de la commune concernée. « Le problème, c’est que la loi ne concerne pas les installations datant d’avant 2017. » Et son association se préoccupe « surtout de ces remontées oubliées par la loi qui continuent de polluer nos massifs ». Sans oublier le travail de plaidoyer. « Nous proposons régulièrement des amendements pour faire évoluer la loi Montagne, notamment pour intégrer les structures installées avant 2017. L’objectif reste le même : rendre à la nature sa beauté originelle, libérée des traces de l’activité humaine. »

Démanteler et sensibiliser : les chantiers citoyens de l’association

Depuis plus de vingt ans, Mountain Wilderness s’engage à démanteler de nombreuses installations obsolètes, avec l’appui d’une trentaine de bénévoles mobilisés partout en France. « En 2024, nous avons mené six chantiers de démontage dans les Alpes et les Cévennes », glisse la référente. Pour 2025, de cinq à six nouveaux chantiers citoyens sont déjà en préparation. « Nous essayons de diversifier au maximum les interventions : remontées mécaniques, anciens pylônes, vestiges militaires… » En particulier à proximité de la frontière franco-italienne, explique-t-elle, « il reste encore d’anciens barbelés datant de la Seconde Guerre mondiale ».

Lire aussi : Une concertation citoyenne sur l’avenir des territoires de montagne

Pour organiser un chantier, l’association doit obtenir l’autorisation d’intervenir, que ce soit auprès des communes, des propriétaires privés ou de l’Office national des forêts (ONF). « Le plus difficile reste de réunir toutes les autorisations. Il faut dialoguer, expliquer la loi, et proposer notre aide. » Une fois le feu vert obtenu, les bénévoles de Mountain Wilderness se mettent à l’œuvre.

Chaque chantier représente une double victoire. Une victoire écologique d’abord : « Nous venons nettoyer la nature en prenant soin de recycler les matériaux récoltés. Nous faisons notamment appel à des ferrailleurs pour leur proposer de récupérer le métal. » Une victoire pédagogique ensuite : sur le terrain, bénévoles, habitants, élus ou randonneurs échangent, s’informent, prennent conscience de l’urgence à repenser nos usages de la montagne (voir également Le Zéphyr n°20). / Aurélie Peyrache


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