Vous lisez un extrait du Zéphyr n°16 « Insectes : ballet en danger« . Le Zéphyr est un média indépendant, financé par ses lecteurs et lectrices. Découvrez le sommaire par ici, puis commandez l’opus. Vous pouvez aussi vous abonner et acheter le numéro en PDF. Bonne lecture !

Des insectes, il y en a beaucoup. Plus d’un million d’espèces ont déjà été identifiées – mais elles pourraient être deux fois plus nombreuses sur Terre. C’est plutôt facile de les observer : contempler leur ballet incessant (et magnifique) ne demande pas un grand effort. Portez le regard sur un pétale de rose, approchez-vous des lavandes ou des coquelicots des champs, vous trouverez les pollinisateurs. Bzzz, bzzz… Attention, les bourdons volent vite d’une tige à l’autre. Rendez-vous en forêt pour trouver aisément le chemin des fourmis. Le convoi promet d’être fascinant… Mais il est menacé !

Les chiffres donnent la chair de poule. Les études des dernières années montrent que les populations d’insectes se sont effondrées de 70 à 80 % en Europe. L’heure est grave, d’autant qu’il manque encore de nombreux observateurs, ici ou là, pour mesurer l’ampleur de la catastrophe. Or, qui pour s’en soucier ? Ces petites bêtes, si différentes d’un ordre à un autre, disparaissent dans l’indifférence.

les couvertures du Zéphyr

Les bêtes haïes

C’est vrai, les insectes, de manière générale, ont tendance à nous importuner, à nous dégoûter. Si les coccinelles, les abeilles, les papillons, les gendarmes (non ?) sont plutôt appréciés, qu’en est-il des frelons qui rôdent, des blattes retrouvées dans les baignoires, des tiques qui s’accrochent à la peau lors d’une promenade en forêt, des mouches à merde, désignant un certain nombre de diptères se nourrissant d’excréments ? Autant d’espèces rangées tout en haut du classement des bêtes haïes.

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Peut-être est-ce dû au fait qu’elles ne nous ressemblent pas, peut-être à une mauvaise expérience ou au souvenir d’une piqûre durant l’enfance. Sûrement car certaines espèces, comme les moustiques du genre Aedes, peuvent transmettre des maladies potentiellement dangereuses, telle la dengue, et que d’autres “bousillent” telle ou telle culture, en tout cas leurs plantes-hôtes… Mais celles qui nous dérangent vraiment sont peu nombreuses parmi le million d’espèces d’ores et déjà connues dans le monde… Il ne faut pas nier les problèmes que certaines engendrent. Notamment les espèces exotiques que nous avons laissées entrer sur le territoire, et qui, sans prédateurs, se la coulent douce, à l’instar du frelon à pattes jaunes (ou asiatique), le fameux tueur d’abeilles craint par les apiculteurs.

Un peu de sang sur les mains

Mais force est de reconnaître que nous ne les considérons que comme des êtres nuisibles et insupportables. Il est peut-être temps de changer le regard que nous portons sur eux, surtout accepter leur présence autour de nous, qu’on les trouve beaux ou laids, apprécier leur diversité. Nous ne vivons pas en dehors de la nature, mais nous formons un tout. Nous sommes la nature.

Il faudrait d’urgence pouvoir reconnaître les nombreuses fonctions des insectes. “Sans elles, la Terre ne fonctionnerait pas telle qu’on la connaît”, précise dans nos colonnes Hugues Mouret, fondateur de l’association Arthropologia. 9 plantes à fleurs sur 10 dépendent des pollinisateurs. Leurs actions ont un impact sur plus de 70 % de notre alimentation. “Cela devrait nous affoler”, lance-t-il. Lui et d’autres (comme l’apicultrice Marie-Noëlle Jalabert) militent dans Le Zéphyr pour que nous arrivions à renaturer nos territoires, afin de redonner une place (méritée) à la vie sauvage. Oui, il en va de la pérennité des écosystèmes, donc de notre survie à long terme.

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Vous y repenserez la prochaine fois que vous aurez une envie soudaine de massacrer une guêpe qui aura eu la (mauvaise) idée de se rapprocher sans violence pendant le repas. Ou d’écraser un énième moustique, laissant une tache rouge dans le creux de la paume. Un peu de sang sur les mains. / Philippe Lesaffre