Entretien / Sébastien Garnier a sorti cette année son deuxième roman. Un récit qui nous emmène dans un futur très sombre. Un régime totalitaire dirige depuis plusieurs décennies la France pour tenter de restaurer les conditions d’habitabilité de la Terre… Une étude tend à démontrer que les mesures ont été efficaces

Et si un gouvernement mettait en place des mesures vraiment drastiques pour permettre à la biomasse de se régénérer ? Ici, on ne parle pas de… la fin des trajets en jet privé, mais bien d’interdictions de tout déplacement à l’étranger, et même de l’autre côté du pays, par exemple… L’écrivain Sébastien Garnier a publié son deuxième roman, Le Dernier soulèvement, dans lequel le géographe de formation, travaillant au sein d’un cabinet en conseil immobilier, met en scène un futur sinistre, mais surtout très dérangeant.

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A Paris, au début du XXIIème, la Bio-Révolution dirige le pays d’une main de fer. Des révélateurs ont été installés dans l’ensemble des bâtiments pour mesurer le coût carbone de chaque action individuelle. Les transactions en euros ont disparu, tout comme le bitume, le plastique ou encore les écrans. Autant de vestiges d’une époque extractiviste révolue. Or, une poignée de révoltés mènent le combat pour tenter de faire tomber le gouvernement…

Le Zéphyr s’est entretenu avec l’auteur, un brin « pessimiste ».

« Toucher les gens au cœur de leurs habitudes »

Le Zéphyr : Pourquoi avoir voulu écrire ce livre d’anticipation ?

Sébastien Garnier : J’ai souhaité placer la crise climatique au cœur de l’intrigue. Dernièrement, le GIEC a sorti de nombreux rapports, et j’ai eu l’idée de placer cette institution au centre de l’histoire de ce roman d’anticipation. Mon intention a été de mettre en garde, de pousser un grand coup de gueule. Et puis de mettre en avant les enjeux environnementaux d’une manière différente. Car je ne voulais pas m’apitoyer sur la disparition des espèces : il est clair que cet effondrement ne touche pas tout le monde, hélas.

les couvertures du Zéphyr

Alors j’ai trouvé un autre moyen pour sensibiliser, l’idée était de les toucher au cœur de leur quotidien, de remettre en question leur confort, leurs habitudes de consommation. Je pense que, si nous ne bougeons pas, les conditions d’habitabilité de la planète pourraient s’empirer. Or, nous avons encore un peu la main.

Si mon objectif est réussi, alors les personnes qui liront le livre se questionneront, au fil de leur lecture : qui représente le mal, qui est le bien ? Le gouvernement totalitaire incarne-t-il vraiment le mal ? Et les révoltés mènent-ils un combat justifié ?

Dans votre roman, vous avez imaginé un régime éco-totalitaire ayant mis en place des mesures extrêmement radicales, qui dérangent…

Elles dépassent l’entendement, oui. Je pousse le bouchon très loin. Par exemple, les révélateurs carbone, à installer dans chaque bâtiment afin de surveiller les faits et gestes des uns et des autres, à l’instar, au final du monde de 1984. Encore une fois, beaucoup ne sont pas chamboulés par certains événements climatiques gravissimes, par la sixième extinction animale ; on découvre l’info, et puis on passe à autre chose. Mais serait-ce la même histoire si demain on vous disait que vous ne pourrez plus boire de café ? Dans notre culture, cela paraît choquant (mais c’est amusant de l’imaginer). Néanmoins, il y a un souci avec notre mode de vie et il faudrait redoubler d’efforts…

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« On dira que je ne suis pas allé assez loin »

Vous mettez en scène une ville de Paris dépourvue de bitume, tout a été jeté en Seine-Saint-Denis sur l’emplacement d’une ancienne enceinte sportive, créant ainsi une montagne sur laquelle la nature a repris ses droits…

Il fallait bien imaginer des scénarios assez fous. Mais est-ce vraiment absurde, inimaginable, inconcevable ? Par exemple, le périphérique sans béton, je m’interroge, il pourrait exister un jour, non ? Les représentations évoluent. En tout cas, peut-être que dans dix ans, on dira que je ne suis pas allé assez loin, dans ce roman (Rires)

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Vous êtes de nature assez pessimiste ?

C’est vrai. Selon moi, nous n’irons pas loin si tout repose sur la bonne volonté des citoyens. Les petits gestes, il y en a déjà plein : ok c’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Il faut de la coercition. Je suis toujours un peu étonné de lire des commentaires de certains qui s’étonnent de la radicalité des mesures que certains mettent en place… Nous en sommes à l’échelon 0 de ce que nous avons à imaginer. Par exemple, ne pourrait-on pas prendre en compte le coût environnemental de certains produits du quotidien, en particulier le transport des marchandises, c’est vrai que beaucoup traversent la planète avant de se retrouver sur la table du repas… Dans ce cas, on aurait de nombreux biens qui deviendraient des produits de luxe… / Propos recueillis par Philippe Lesaffre