A quoi servent vraiment les députés ? Le dessinateur Kokopello, auteur de Palais Bourbon (Dargaud, Le Seuil, 2021), a suivi durant plusieurs mois, jusque dans leur circonscription, des élus de tous bords pour comprendre leur quotidien. Le Zéphyr a longuement interrogé l’auteur sur sa démarche à visée pédagogique, quatre ans après son infiltration dans les équipes de cinq candidats, à la campagne présidentielle de 2017.

Cet article est extrait du Zéphyr n°9 (Printemps 2021), Bande dessinée : le neuvième art sort de ses cases. Découvrez son sommaire, passez commande pour soutenir la rédaction.

“Il n’est pas toujours aisé de comprendre le rôle des députés à l’Assemblée nationale et sur leur territoire”, lance Antoine Angé, aka Kokopello, au début de notre entretien, en février 2021. Après avoir couvert, pour le média du HuffPost, la campagne de l’élection présidentielle, en 2017, en se faisant passer pour un militant dans chacun des principaux partis, il s’est lancé un nouveau défi de taille, en 2018. Et d’autres suivront d’ici 2022, d’ailleurs.

Pendant de longues semaines, jusqu’au milieu de la nuit, l’auteur, pour sa première bande dessinée, a vagabondé, grâce à son pass partout, dans les couloirs de l’Assemblée. But du jeu : mieux saisir le travail des élus qu’il a longuement suivis, des travées de l’hémicycle aux petites routes des circonscriptions, à la rencontre des habitants, parfois en colère et en gilet jaune. Une aventure qui l’a conduit jusqu’à la maison d’enfance de… l’inoubliable Jean Lassalle. “Tu apportes un regard neuf et j’ai appris des choses”, lui a confié François Ruffin après coup. Rencontre.

la couverture BD home

Pourquoi avoir choisi le pseudo Kokopello ? 

Quand j’étais petit, mon cousin m’avait donné trois caisses d’exemplaires du Journal de Mickey, et je suis tombé dans la BD comme ça. Parmi les histoires que je ne cessais de lire, il y avait Donald en voyage dans le Sud-Ouest des Etats-Unis. Sur place, il s’est fait happer par un esprit indien farceur, Kokopelli, un personnage qui ne prend jamais la vie trop au sérieux. Et je trouvais ça chouette. Ainsi ai-je opté pour la variante Kokopello pour dessiner à l’adolescence. Beaucoup plus tard, en 2017, quand j’ai infiltré les militants politiques en 2017, les équipes du HuffPost, qui ont relayé mon travail, m’ont proposé de signer sous pseudo pour ne pas me faire griller. Et j’ai alors repris cet avatar, pour ne plus le quitter. 

Cette BD, qui est votre premier album, a été largement médiatisée à sa sortie. Comment l’avez-vous vécu ?

Le monde politique de fabrication de la loi peut paraître un peu barbant. On pouvait alors imaginer que l’album n’aurait pas autant de succès. Or, l’accueil a été très bon. C’est presque inattendu, et les passages dans les médias se sont assez vite enchaînés. Cela m’a fait plaisir de présenter ma démarche, de voir qu’elle a intéressé et que je n’ai pas été à côté de la plaque. J’ai justement fait attention à suivre suffisamment longtemps les députés pour me rendre compte de ce qu’ils vivent vraiment au quotidien et pour ne pas me louper. 

Palais bourbon de Kokopello
« Palais bourbon », de Kokopello

Comment avez-vous eu envie de suivre la politique ? 

C’est une assez longue histoire. Au sein de ma famille et de mes amis, personne n’est politisé ni encarté. Or, à l’approche de l’élection présidentielle de 2017, j’avais envie de voir ce qu’il se passait réellement sur le terrain, de comprendre ce qui animait des militants, pourquoi ils faisaient campagne pour une femme ou un homme et comment ils pouvaient agiter des drapeaux comme s’il s’agissait de superstars. François Hollande ne se représentait pas et comme j’ai plutôt une sensibilité de gauche, j’ai décidé de toquer à la porte d’Arnaud Montebourg. Puis j’ai intégré ses équipes de campagne pour la primaire de gauche.

les couvertures du Zéphyr

Et j’ai réalisé à quel point c’était en fait une vraie aventure humaine. On côtoie de nouvelles personnes, on fait équipe, on tracte ensemble dès l’aurore sur des marchés. L’expérience rapproche. Arnaud Montebourg a échoué, et le groupe s’est disloqué. Certains sont partis chez Jean-Luc Mélenchon, d’autres aux côtés de Benoît Hamon. Et j’ai intégré les cinq équipes principales de la campagne, de LFI au RN pendant 4 mois. Rapidement, Le HuffPost a repéré mon blog et m’a publié. / Propos recueillis par Philippe Lesaffre

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