Son livre est court mais ne laisse pas de marbre. Amandine Renaud y raconte son histoire. Enfin celle des grands singes qu’elle héberge dans les contrées lointaines de la République démocratique du Congo, les chimpanzés et les cercopithèques recueillis par l’association P-Wac, que la primatologue a fondée il y a près de 10 ans.

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Ces primates, ils nous ressemblent, mais on les abandonne, on les maltraite, on les rend malades. Amandine Renaud, autrice de l’ouvrage Mon combat pour les grands singes (Michel Lafon, 2022), peut en témoigner. En 2018, elle a par exemple croisé la route de Mayélé, un chimpanzé de trois ans qui venait d’être libéré de son propriétaire. Celui-ci, explique-t-elle dans son livre, « l’avait habitué à boire des bières, à fumer des cigarettes”, et puis il l’emmenait au stade de football, accroché à une laisse. Quelques mois plus tôt, elle avait tendu les bras au petit Kiki, ce jeune cercopithèque, acheté par des connaissances, qui changera, dit-elle, le “cours de sa vie”. 

Amandine Renaud, à toujours admirative de l’engagement de Dian Fossey, la célèbre primatologue américaine, a décidé de mener le combat et d’épauler tous ces mammifères à qui elle s’est tant attachée. “On est de la même famille”, glisse-t-elle, que les bonobos, les gorilles, mais surtout des chimpanzés. “Le reconnaître est un fait scientifique, précise Amandine. Nous partageons 98 % de gènes communs.” Il n’y a qu’à l’observer : “Le chimpanzé est un être émotif, très sensible” et “les relations sociales sont essentielles à son bien-être, à son développement et bien sûr à son apprentissage social”. 

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Vivre au milieu des arbres

Sa volonté de protéger le vivant remonte à l’enfance. On sourit quand elle raconte, dans le petit essai, avoir écrit au WWF (à son président Lambert Wilson, à l’époque), pour dénoncer… ses parents, ces derniers ayant eu l’intention d’abattre un cognassier. Des années plus tard, celle qui rêvait de vivre “au milieu des arbres” a réussi son pari, en quelque sorte. 

En Afrique, la fondatrice de l’asso P-Wac a construit un refuge sans prétention au fond de la forêt pour les grands et petits singes victimes des exactions des humains. Elle a constitué une petite équipe autour d’elle (uniquement des personnes de la région du Kongo-Central) afin de les suivre, de les soigner. Surtout : de leur réserver un avenir meilleur, loin des chasseurs, loin des humains. C’est un campement auquel n’ont accès ni touristes ni bénévoles français, et ce pour éviter au maximum les contacts avec la vingtaine de primates accueillis dans ces enclos boisés (en tout cas, au moment de la sortie de l’ouvrage). 

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But de l’opération : les réadapter à la vie sauvage (dans cette “école de la brousse”, comme elle dit), puisqu’ils sont destinés à revenir dans la forêt, leur habitat naturel. L’association, à ce titre, achète des terres, parfois d’anciennes zones “décimées pour l’agriculture”. Elle entretient son “jardin-forêt”, dans lequel elle adopte les préceptes de la permaculture et revient à des traditions ancestrales. 

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Les grands singes en danger

Une entreprise visant à tendre la main à ces bêtes que nous avons délaissées, en raison de nos comportements et de nos habitudes de consommation égoïstes. Disons-le : ces grands singes sont en danger, ils disparaissent en raison de la déforestation massive, pratiquée pour la culture de soja ou encore pour l’exportation de bois “exotiques”. “Par la faute de l’homme, les forêts primaires tropicales ont reculé de 294 000  km² en 2017”, écrit-elle, en colère. Mais ce n’est pas tout : les orangs-outans ou les autres espèces sont victimes du braconnage et du trafic d’animaux sauvages, aussi.

Ces animaux, certains les vendent vivants. En Asie, ils sont capturés puis envoyés par exemple dans “des laboratoires, des zoos, des parcs touristiques”. Sans oublier la viande de singe, toujours consommée ici ou là. Bref, “il est temps de se responsabiliser”, insiste-t-elle, car “nous sommes collectivement responsables de la disparition de 80 % des espaces forestiers de la planète”. / Philippe Lesaffre