L’auteur-compositeur Stéphane Corbin a écrit Nos années parallèles, un livre poignant et touchant pour raconter les derniers jours de sa mère, disparue quand il était adolescent.

les couvertures du Zéphyr

Un livre pour ne pas oublier. Un livre pour coucher noir sur blanc les souvenirs qu’il garde de sa mère. Les derniers mois, les derniers jours, les derniers soupirs. Le compositeur Stéphane Corbin a perdu sa mère à 17 ans. Et, deux décennies plus tard, il a senti qu’il était temps, pour lui, de raconter le combat qu’elle a mené jusqu’au bout. Celui qui touche tant de familles, le séisme, et la violence qui frappent de plein fouet à tout moment, sans prévenir, à n’importe quel âge dans le tourbillon de la vie. « La capacité d’oubli est phénoménal », estime-t-il.

Alors, pour que ce jour n’arrive jamais, Stéphane Corbin a rouvert les carnets dans lesquels il avait tout noté, ou presque, sur sa période d’aidant. Les conversations qu’il a échangées avec sa mère, ses angoisses, sa rage et son besoin de vivre qu’elle partageait avec lui. Mais aussi les moments où il se laissait aller, les sanglots qui éclataient lorsqu’il venait de fermer la porte de la chambre impersonnelle de l’hôpital après lui avoir pourtant dit, assis à son chevet, sans faiblir, que tout se passerait bien. Les passages plus optimistes d’espoir, aussi, l’espoir que la maladie s’éloigne le plus loin possible.Et ne revienne jamais, y compris le temps d’un cauchemar.

L’auteur est cofondateur de la troupe des Funambules, un collectif d’artistes qui luttent, en chanson, contre l’homophobie.

Lire aussi : le portrait de la troupe de Stéphane Corbin : les Funambules.

Nos années parallèles

“Des histoires universelles”

Les douleurs et les blessures du quotidien, ensuite, les sourires et les mots doux qui n’avaient pas disparu, même à la fin, les améliorations et les rechutes qu’il suivait en permanence, la main posée sur la sienne. Certains parlent de ce livre comme d’une autobiographie, puisqu’en évoquant la vie de sa mère qui prend fin, il en profite pour raconter la sienne et la vie d’adulte qui débute à l’orée de sa majorité par l’acceptation de son homosexualité. En réalité, dans ce livre, il met en scène une sorte de chassé-croisé entre la mort et la vie.

On tente de lui dire qu’il est sans doute un peu jeune pour composer une autobiographie. Il vient de dépasser la quarantaine. Et, en plus, le livre ne concerne que la première partie de son existence. L’auteur-compositeur, spécialisé dans le théâtre musical, sourit. Le quadra explique préférer le terme de « tranche de vie » pour qualifier son premier roman Nos vies parallèles (LamaO Editions). Un ouvrage, ultra-concis, dans lequel il évite de donner des prénoms. Stéphane n’est pas Stéphane. Et il nomme sa mère par le pronom personnel impersonnel « elle ». Tout simplement. « J’essaye de toucher le plus de monde possible en racontant des histoires universelles. »

Sa mère était sa première fan

Sur le cancer, la sexualité, l’acceptation de soi, donc, mais surtout sur le lien indéfectible entre une mère et son fils. Chez lui, il n’y a rien eu de plus fort. « Ma mère a toujours été importante à mes yeux. Je lui ressemblais quand mon frère se sentait plutôt proche de mon père. Au final, écrire ce livre à été un peu une quête introspective sur moi-même. » Il semble ravi de nous raconter que sa mère a pour lui toujours été un soutien sans faille qui l’écoutait chanter, lui qui avait commencé très tôt à écrire « des chansons » avant de, beaucoup plus tard, faire les premières parties de Thomas Fersen.

Sa maman lui servait de modèle également. Venue d’un milieu plutôt populaire, celle-ci a cravaché pour réussir. Elle a « lu, lu, lu et lu jusqu’à devenir presque myope, dit-il en riant. Car elle lisait des livres même dans le noir » pour apprendre et devenir chercheuse en linguistique. Ce qui signifie qu’il aurait pu très bien publier cet ouvrage, glisse-t-il, si sa mère n’avait pas quitté ce monde si brusquement.

Au travers des chapitres, Stéphane veille à respecter les faits, dévoile anecdote sur anecdote sur lui-même, sur sa jeunesse durant laquelle il se rend compte qu’il préfère les hommes. Puis à propos de sa mère dont il a restitué les histoires et les aventures que son père lui a racontées à l’occasion. Rester fidèle à la réalité lui semblait important. Mais il s’est permis quelques écarts, néanmoins, notamment quand il a inventé… le monologue de l’après. Sa mère qui a pris la parole une fois que son cœur a arrêté de battre. Et qui a fait mine de ne pas saisir ce qui venait de lui arriver. « J’écris sur un drame… Je voulais que ce soit vivant et léger. » Souffler, respirer et sourire… pour mieux repartir ! / Philippe Lesaffre