Une trentaine de scientifiques, dont des auteurs du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), ont installé pendant trois jours un barnum à deux pas de l’Assemblée nationale pour proposer aux élus de tous les bords une formation sur les enjeux climatique et d’érosion de la biodiversité. Une initiative visant à leur rappeler l’urgence d’agir.
Pendant trois jours, ils espèrent voir défiler de nombreux élus. L’ex-député Matthieu Orphelin, à l’origine de cette opération inédite en compagnie du climatologue Christophe Cassou, aimerait que ce soit « le début d’une belle histoire ». Au lendemain du second tour des élections législatives, une trentaine de scientifiques experts du climat et de la biodiversité, épaulés par les bénévoles du mouvement Pour un réveil écologique, se rassemblent pour une noble cause : accueillir, à deux pas de l’Assemblée nationale, les élus volontaires afin de leur apporter une formation d’une trentaine de minutes sur les enjeux du changement climatique et de l’érosion du vivant. « Des faits scientifiques avérés, rien que des faits », rappelle la géographe Magali Reghezza-Zitt, membre du Haut Conseil pour le climat, mobilisée à l’occasion. « L’initiative est totalement apartisane », indique Christophe Cassou. En clair : peu importe leur couleur politique, et qu’ils aient été élus pour la première fois lors de ce scrutin ou reconduits dans leur fonction, les 577 député.e.s sont invité.e.s à venir se former.
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Partager la connaissance : rôle d’un chercheur
L’idée : insister sur la gravité de la situation, sur « les risques qui menacent les sociétés humaines et les écosystèmes ». Sur la nécessité d’engager, aussi rapidement que possible, des actions pour limiter les gaz à effet de serre, en premier lieu. « Chaque tonne de CO2 additionnelle contribue à un réchauffement additionnel, (et) chaque dixième de degré compte ». Comme il le rappelle, « le niveau d’action est très insuffisant, et la France n’est pas dans les clous ». Par ailleurs, outre l’atténuation, ils visent à rappeler aux députés qu’il convient de s’adapter aux effets du dérèglement. Qu’on ressent déjà. Il n’y a qu’à voir la période de canicule qu’on a traversée.
Les auteurs du Giec et les autres chercheurs tirent la sonnette d’alarme depuis longtemps dans leurs travaux. Autant de rapports qui sont « utiles s’ils sont lus », indique Christophe Cassou. « Le rôle d’un scientifique est de produire de la connaissance, mais aussi de la partager. »
Et c’est là que le bât blesse. « Nul n’est censé ignorer la loi, d’accord, mais nul n’est pas censé non plus ignorer les enjeux climatiques », note Matthieu Orphelin. Pourtant, selon l’Ademe, « en 2020, 21% des parlementaires français estimaient que le réchauffement climatique ne faisait pas l’objet d’un consensus scientifique », observe-t-il. Depuis longtemps, lui vise à mettre en relation le monde de la science et celui des politiques. Il avait notamment essayé de convaincre l’ancien président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand de présenter, devant l’hémicycle en séance plénière, les principaux enseignements du dernier rapport du Giec. En vain, seule la commission du développement durable, avait organisé en 2021 cet exposé, si crucial.
« On vérifiera leur choix de vote »
« Le manque de connaissance est flagrant », observe aussi également Rémi Luglia, historien et membre de la société nationale de protection de la nature, présent à l’occasion. Lui entend rappeler aux élus qu’il est crucial de « renouer avec le vivant ». « On s’est déconnectés de la nature, à mesure que l’urbanisation a avancé, or, dit-il, elle nous rend d’innombrables services, sans compter le rôle des pollinisateurs« , par exemple. Rémi Luglia entend également rappeler qu’ils peuvent vraiment agir en votant les textes législatifs. Les leviers d’actions sont importants, et, poursuit-il, il est tout à fait possible de mettre en place « des initiatives peu coûteuses« . En particulier l’installation de zones humides, par exemple.
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« En France, le nombre de mares à chuté drastiquement. On en compte 600 000 en France contre plusieurs millions par le passé. Les zones humides, de toutes les tailles, permettent de lutter contre les inondations, de récupérer l’eau de pluie, elles servent d’abreuvoir pour les espèces… Créer une mare, c’est accueillir des libellules, des insectes et même des tritons…«
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Le premier jour, seule une députée s’est présentée, Danielle Simonnet, élue à Paris (Nupes). On lui a rappelé notamment que, lors de la prochaine décennie, entre 2030 et 2040, il y aura « 23 jours de canicule par an contre 7 aujourd’hui ». D’autres élus devraient se pointer le 21 ou le 22 juin, en tout cas, tous l’espèrent. Et après ? Cela peut-il changer quelque chose ? « On aimerait que cela joue sur leur choix de votes, on vérifiera », assure Matthieu Orphelin, avec un léger sourire. « Au moins, si ce n’est pas le cas, on saura qu’il y a un manque de volonté d’agir, puisqu’ils auront suivi cette formation« , renchérit Léa Falco, membre du collectif Pour un réveil écologique. Une formation qui est nécessaire, mais « pas suffisante », reconnaît-elle. Matthieu Orphelin parlait du « début d’une aventure« . Rémi Luglia abonde dans ce sens : « Les députés pourront nous contacter. On restera à leur service, s’ils le souhaitent, sur tel ou tel thème. » En attendant, le Sénat a indiqué être intéressé... / Philippe Lesaffre
MAJ 22/6 : En trois jours, 154 députés (26,7 %) sont venus. Dans le détail, 80 élus Ensemble! (Agir, LREM, Horizons, Modem), 70 de l’ensemble Nupes (EELV, LFI, Génération.s, Génération Ecologie, PS, PCF), ainsi qu’un élu divers gauche, un élu divers droite, un LR, un RN.