Kazy.K, Francis Persu, The Blind, Pedro Richardo, Smoka, Wide… ces street-artistes sont en passe de transformer Nantes en musée à ciel ouvert. Réunis au sein du collectif 100 Pression, ils graffent pour mieux démocratiser les arts urbains.

les couvertures du Zéphyr

L’imaginaire au pouvoir 

Graffitis, collages, décoration, sérigraphies et autres performances en live, les membres du collectif multiplient les concepts et les interventions. Depuis dix ans, ils investissent les rues de Nantes, soulignant les contreforts de la civilisation et ravivant le patrimoine culturel de la ville. Un pan de mur, une cage d’escalier, les cloisons d’un appartement sont autant de terrains de jeu pour ces puristes de la bombe. « Nous évoluons en nous servant de l’imaginaire collectif comme matière première. Nous nous jouons des codes et des symboles pour que nos réalisations deviennent des univers entiers, des univers cohérents », affirme Kazy.K. Issus d’horizons artistiques différents, les membres de 100 Pression s’attachent également à s’affranchir des frontières pour aller à la rencontre des publics et partager leur art.

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Univers complémentaires

Largement influencé par l’underground new-yorkais des années 1980, Kazy.K compose des fresques aux multiples facettes où s’entremêlent fiction et réalité. Il est notamment à l’initiative de Glasnostdead, une exposition itinérante organisée à Nantes, Toulouse, Lille et Rennes. Persu, lui, est passé maître dans l’art du Wild Style et des lettrages complexes, une discipline qu’il exerce et raffine à l’extrême depuis plus de vingt ans. Quant à Smoka, il s’est lancé très tôt à l’assaut des murs les plus hauts. Étudiant sans relâche la couleur et son impact, il se frotte à des styles exigeants pour mieux dynamiser ses graffitis. Pedro a un univers plus spontané : personnages loufoques, aplats de couleurs et inspirations cubistes… autant de dessins qui, au-delà d’une naïveté assumée, livrent une parole subversive.

Très impliqué dans une démarche sociale, The Blind propose, pour sa part, des œuvres adaptées aux personnes aveugles en jouant sur le relief et le braille. Wide, enfin, mêle l’univers cartésien du dessin technique et les courbes chaloupées des graffitis Wild Style. Une fusion on ne peut plus réussie ! Le jeune homme arpente ainsi les friches industrielles à la recherche du mur qui portera la marque de ses prochains tracés.

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Le graff enfin accessible

Leader du collectif, The Blind dédie une part de son travail à rendre le graffiti accessible au plus grand nombre. Une démarche qui l’a notamment poussé à concevoir des œuvres pour aveugles. L’artiste colle des demi-sphères de plâtre sur des marques réalisées à l’aide d’un pochoir, et matérialisent l’alphabet braille. À l’image de la composition installée devant le Palais de justice et du message « Pas vu, pas pris », il s’attache à faire dialoguer un lieu et un texte souvent ironique. « Entre nous, le concept est assez simple. Mais il est surtout très efficace », assure-t-il. Basée sur la complémentarité entre l’esthétique et le discours, cette technique originale est également une invitation à la solidarité entre voyants et non-voyants ; les uns apprécient les rondeurs de l’œuvre tandis que les autres déchiffrent et transmettent le fond du message.

Bien qu’il arpente les sites touristiques à la recherche d’une surface qui se prêterait au jeu de ses bombes et de ses collages, il explore volontiers les contreforts de la civilisation. Serpentant autour de lieux insolites, il n’est pas rare de le voir traîner ses baggies aux abords de la centrale ukrainienne de Tchernobyl ou sur les sentiers escarpés de la Death Valley en Californie.

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Nantes, ville ouverte

Loin de la renommée de feu les Five Points new-yorkais, de l’éblouissement des façades d’Ivry-sur-Seine et de la profusion graphique des avenues berlinoises, Nantes s’inscrit pourtant comme une place forte de la création et du street art. À l’image de 100 Pression, des collectifs et des artistes indépendants se mobilisent pour faire de Nantes une galerie à ciel ouvert. Il en résulte une activité débordante, des expositions, des œuvres éphémères, des livres… Smoka Korsé, le collectif Plus de couleurs, Le Chant du cygne et Jinks Kunst sévissent aux quatre coins de la ville pour le plus grand plaisir des curieux et des connaisseurs. / Jérémy Felkowski

 

Visitez aussi le site du collectif 100 Pression pour admirer quelques-unes des œuvres de ses membres. Envie d’élargir vos horizons ? La rédaction vous recommande de passer sur LE site de référence en matière de graphisme urbain : FatCap. Enfin, nous vous invitons à parcourir “Nantes, Street art et graffitis”, de Sarah Guilbaud. Richement illustré, le livre dresse remarquablement le portrait d’une époque “où les murs ont pris un sens”.