EXTRAIT DU MAG – Un jeu… Non, un mélange des genres ! Comix Zone n’est pas un beat’em (jeux de combat à progression) comme les autres. C’est une ode au monde des comics. Voulu ainsi par ses concepteurs, le projet de Sega multiplie les clins d’œil et pousse la mise en scène très loin pour rappeler la toute puissance de la bande dessinée dans l’imaginaire collectif. 

Cet article est extrait du Zéphyr n°9 (Printemps 2021), Bande dessinée : le neuvième art sort de ses cases. Découvrez son sommaire, passez commande.

Sorti sur Mega Drive en 1995 alors que la bécane de Sega vivait ses dernières heures, Comix Zone a marqué les esprits des fans de jeu vidéo par un petit coup de génie. Atypique, en avance sur son temps, le jeu imaginé par Dean Lester et Peter Morawiec a su mêler deux univers théoriquement difficiles à concilier sur une cartouche : le jeu vidéo et la bande dessinée. Le jeu raconte les tribulations d’un dessinateur de comics pris à son propre piège. Sketch Turner, de son petit nom, se retrouve enfermé dans sa propre grille lors d’un accident aussi bête que crédible. Un soir d’orage, alors qu’il travaille sur une nouvelle création, un éclair traverse la fenêtre de son bureau et vient frapper la planche sur laquelle il est penché. Hop, l’artiste se retrouve en un instant plongé dans son œuvre. 

Dans le même temps, le principal méchant de l’histoire fait le chemin inverse et atterrit sur le confortable fauteuil de Turner. Tout au long de l’aventure, le fameux méchant devra tendre des pièges et tenter de tuer son créateur pour être réellement libéré (un délire qui provoquerait des heures de discours et d’analyse chez tout bon psychanalyste). Les épreuves concoctées par l’affreux Mortus (et c’est là que le génie du mélange des genres opère) se matérialisent quand celui-ci dessine directement sur les planches (qui ne sont rien d’autre que le décor du jeu). 

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Une narration tirée de la BD

Scindé en six niveaux formant trois épisodes de deux planches chacun, le jeu se déploie avec intelligence et audace pour permettre aux joueurs de l’époque (dont votre humble serviteur) de saisir immédiatement la structure narrative qui l’emporte. Une structure prenant directement son inspiration dans les comics les plus réputés de l’époque. Interrogés par la presse américaine lorsque Comix Zone est sorti sur la console 16 bits de Sega, les concepteurs se sont lâchés en invoquant des noms quasi divins. X-Men, Spawn ou encore le mythique Wildcats. Difficile de rivaliser en matière d’inspiration. Et cela se ressent jusque dans le design des personnages.

Des plus infimes figurants (appelons-les comme ça) jusqu’au héros malheureux Sketch Turner. Durant l’aventure, les concepteurs n’hésitent pas à glisser des clins d’œil au monde où ils puisent leur essence. Des cases de dialogue bourrées d’humour apparaissent fréquemment, des actions sont décomposées image par image pour laisser apprécier le mouvement, des onomatopées surgissent de toutes parts. En point d’orgue, la main de l’infâme Mortus apparaît régulièrement pour dessiner à même l’écran la silhouette inquiétante d’un nouvel ennemi ou d’un piège qu’il espérera mortel. 

les couvertures du Zéphyr

Sacrifié au profit de Sonic

Au printemps 1992, Peter Morawiec tente le tout pour le tout. Il vient tout juste d’intégrer les équipes de Sega aux États-Unis et entre dans le bureau de la direction du Technical Institute avec un calepin sous le bras. On peut y lire la mention Joe Pencil trapped in the Comix Zone. Derrière cette appellation, c’est bel et bien le prototype de son jeu qu’il entend imposer. Malheureusement, le projet est repoussé. La firme est affairée à boucler la production de Sonic Spinball (l’un des grands naufrages vidéoludiques dont Sega a eu le secret à l’époque). 

Présenté au public en 1995, le jeu connaît un succès modéré. La plupart des joueurs s’étant détournés des consoles 16 bits pour la nouvelle génération de plateformes et leurs promesses d’explorations en 3D (revoyez les images du premier Tomb Raider pour apprécier toute la justesse de ces promesses…). Mais, même avec des ventes modestes, le jeu reste aujourd’hui encore dans les mémoires des fans de rétrogaming comme l’un des grands succès techniques du constructeur. / Jérémy Felkowski

En lisant cet article, vous vous direz peut-être : « Mais pourquoi diable ces bougres de Zéphyriens nous ont-ils proposé un article sur un jeu vidéo ? » Lecteurs, lectrices, n’ayez crainte. Nous ne sommes pas fous. Nous voulions ménager une transition entre le présent opus et le prochain.  Le numéro #10 de la revue des aventures humaines sera en effet consacrée au monde des jeux vidéo. Précommandez-le.