Au début de l’été dernier, on a rencontré une légende : l’animateur rock Francis Zegut, qu’on écoute, depuis près de 20 ans, sur RTL2.

« Cela ne te dérange pas ? Je n’ai pas pu m’en empêcher avec cette chaleur. »  Nous sommes en juin 2019, et c’est une glace à la main que Francis Zegut, la soixantaine, débute l’entretien, dans les locaux flambant neufs de RTL2. L’animateur à la barbe grise façon ZZ Top, déguste tranquillement son petit plaisir sucré, mais, tant pis, on on n’attend pas pour le solliciter et l’inciter à puiser dans ses souvenirs. Alors, à quand remonte son amour pour le rock ?

les couvertures du Zéphyr

« Oh purée, là, ça remonte à loin. » En terminant sa glace, il se lance dans l’explication, et remonte le temps, calmement.

De Love me do à ACDC

Francis, enfant de la DDASS, mène une vie de môme assez cabossée : il est placé en famille d’accueil en Normandie, dans « un trou du cul du monde », comme il dit, avec, comme seul lien avec l’extérieur, deux seniors, qui deviennent ses parents. Autour de lui, pas de jeunes pour jouer, à peine un clébard. Alors, pour sortir du quotidien, bien triste, il allume la radio, qui lui donne le sourire. Salut les copains, une émission sur Europe 1, qui devient un abri, un refuge quand débute les années 60.

Le garçon se procure son premier 45 tours des Beatles en 1962. Il a 9 ans quand retentit Love me do dans ses oreilles. Le début d’une passion dévorante pour le rock. Il apprend tout, les bandes, les producteurs, les lieux d’enregistrement, la longueur des morceaux, leur mélodie, comment les titres démarrent, leur chute. Il sort pour écouter ses rockeurs qu’il apprend à aimer. S’il fallait ne retenir qu’une date ? Pas difficile du tout… Zegut choisit le show d’ACDC au Pavillon de Paris, le 9 décembre 1979.

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« La musique c’est une émotion »

Il écoute tout, et stocke également. Sa collection de vinyles grossit au fil des années : avant de rentrer la toute première fois à RTL comme standardiste, en 1976, il possède jusqu’à 4 000 disques.

« La musique, c’est avant tout une émotion, et en fonction de ce que tu vis, tu l’embarques toute ta vie ; ça peut-être lors d’un mariage, d’un décès, de vacances ou de n’importe quoi. La musique, c’est essentiel. Nietzsche racontait : ‘La vie sans musique serait une erreur’ ; il avait raison. »

Ses héros ne le quittent jamais, Jimi Hendrix, Jim Morrison, Bon Scott d’ACDC, Cliff Burton de Metallica font partie de sa vie : Zegut rend un hommage tout particulier à un artiste « au-dessus de tout » : feu Lemmy Kilmister de Motörhead. Son look, son style, son attitude, son art, tout y est !

Les routiers sont sympas

Dans sa vie, Zegut a eu le rock, et puis la radio, donc. Sa première touche remonte à 1976 ; quand il bosse pour l’émission de Max Meynier, Les routiers sont sympas. Son taf : standardiste, il assure le lien entre le studio et les auditeurs. Et cela lui convient, car, au départ, le futur animateur rock ne rêve pas de ce métier : il pense plutôt à devenir programmateur, lui le grand timide. Mais, au final, il se laissera tenter par l’antenne. « Un jour, en 1979, il y a eu un appel aux animateurs à l’antenne d’un radio-crochet, j’ai préparé une maquette avec trois morceaux de métal en gueulant et en racontant des conneries. Le truc de dingue, c’est que ça a fonctionné. »

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Et il ne quittera jamais le micro : d’abord, il partage les soirées des auditeurs de RTL, puis file, en 2001, à RTL2 à l’orée du XXIe siècle pour se charger de l’émission Pop-rock Station.

Son métier ne consiste pas à rester enfermer dans un studio tel Bob le Noctambule dans Good Morning England, ce film s’inspirant de l’histoire de Radio Caroline, qui émettait du rock sur les ondes depuis un bateau au large des côtes anglaises, pour contourner l’interdit.

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« Le metalleux est un gars tolérant »

Il a besoin de sentir l’air du temps, à la traque des nouveaux talents. Zegut quitte alors la capitale et part en vadrouille à la recherche de sons de folie – on l’a croisé par exemple au dernier Hellfest, un des plus grands festivals français de musique, une bulle hors du temps qui rassemble 180 000 personnes autour du métal, du punk, du symphonique, du hardcore, du black metal… Des styles qui ne déplaisent pas à Françis, qui a déambulé près de 45 kilomètres lors de cette édition sur les trois jours du festoche.

« Aujourd’hui, les rockeurs boivent du Perrier ou une autre eau minérale, après voilà quand on parle de rock’n’roll, c’est basse, guitare, batterie, c’est tout, et puis gueuler dans un micro. »

C’est à ce genre d’événement qu’il rencontre ses auditeurs : « Tu t’aperçois qu’il y a une sorte de bienveillance, j’ai vu des nanas avec les nibards à l’air et personne ne les a embêtées, y avait des couples gays, des féministes. Le metalleux est un gars très tolérant. » Sourire.

Zegut n’est pas nostalgique de l’époque dorée du rock et des rockeurs adorés par les jeunes, dans les années 60-70. Pour lui, le bon rock, ça existe encore, il faut juste le chercher, comme on peut. « Les médias traditionnels n’en diffusent pas assez, pourtant, il suffit de rencontrer les gens au supermarché, dans un bar, à un festival pour se rendre compte qu’ils écoutent encore cette musique. »

Souffler et déménager

Mais, problème : « Au milieu des années 90, y a eu une sorte de formatage terrible, où t’entendais quinze fois le morceau par jour, importé des Etats-Unis, bien sûr. Et on a plutôt cultivé des Mr Loyal pour faire des Morning, mais moins parler de musique, alors qu’on avait des gens talentueux avec une culture. »  Et la tendance est toujours d’actualité, selon lui.

Quand je le rencontre, Francis tourne les dernières émissions de l’année. Il a 66 ans, et ça fait plus de 40 ans que l’animateur rockeur se tient derrière le micro. Alors il me raconte avoir pris une décision radicale : c’est que la légende de RTL2 veut souffler, prendre un peu de recul après avoir eu quelques soucis de santé.

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Ce jour-là, il me rassure immédiatement. Il n’est pas question de quitter les studios définitivement. L’heure de la retraite n’a pas encore sonné, non. Son émission, diffusée du lundi au jeudi, est devenue hebdomadaire à compter de septembre 2019. Désormais, on le retrouve, sur la radio du rock, le dimanche soir à 22h.

En vrai, il souhaitait se rapprocher de la nouvelle école de sa fille et quitter l’environnement parisien que sa femme ne supportait plus. Francis a posé ses valises en Loire-Atlantique, à la campagne : « Ca va m’aller, fallait vraiment que je ralentisse un peu. » Mais pas de panique : The show must go on ! / Julien Panafieu