Le chanteur de blues Rod Barthet, de Pontarlier, dans le Doubs, a sorti fin septembre son dernier album Ascendant Johnny Cash. On a rencontré le guitariste selon lequel chaque disque est « le brouillon du suivant« .

Les cheveux tombent sur l’épaule, rebelles. Les mains chatouillent les cordes de sa guitare, dynamiques. Dans son monde, le regard tourné vers son instrument, Rod Barthet semble prêt à dégainer, avec son blues venu de sa Franche-Comté natale. La pochette de son dernier album, Ascendant Johnny Cash, donne le ton.

les couvertures du Zéphyr

Le quadra, proche du demi-siècle, chante dans la langue de Molière, mais nous emmène en voyage au pays de ses références. Hendrix, Butler ou encore Winter comptent beaucoup pour le chanteur. Pas question, pour autant, de les « imiter » ou de reproduire bêtement leur musique, ça ne passerait pas comme une lettre à la poste. Non, le bluesman entend mettre en avant sa singularité, sa sensibilité. Notamment dans ses textes, qu’il dédie à la vie qui passe, à ses proches, à la société qu’il observe… pas toujours en phase avec son idéal de fraternité. Intrigué, tout ouïe, j’ai voulu découvrir le phénomène.

« Deep Purple… mon premier concert, à 3 ans »

Le Zéphyr : quand avez-vous découvert la musique ?

Rod : Quand j’étais adolescent, dans les années 80, c’était la période punk, et j’aimais ça ! Puis, à 18 ans, j’ai découvert Jimi Hendrix, puis Led Zeppelin, et, enfin, les bluesmen comme Johnny Winter. Voilà comment je me suis construit !

Y a-t-il eu un concert déclic ?

Mon premier concert, qui remonte aux années 70. J’ai trois ans, ma mère, qui adore le rock, m’emmène voir Deep Purple. Un groupe monstre !

Que représente pour vous le blues, votre musique phare ?

Cette musique est une passion et, surtout, un mode d’expression.

Vous avez commencé quand à jouer ?

A 12 ans, je touche, pour la première fois, une guitare bas de gamme, qui devait coûter une cinquantaine de francs. Je la branchais dans mon garage. Elle était dure à jouer, elle faisait les doigts (Sourire).

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Ado, je gratouillais avec les copains dans le quartier. Et quand je suis devenu majeur, je me suis dit que c’est ce que je pouvais faire comme métier. C’est venu naturellement. Je m’interrogeais alors sur les débouchés professionnels, et la musique était la seule chose qui me plaisait vraiment ! Alors j’ai commencé à prendre des cours de musique, de guitare, à Nancy, pour apprendre à faire des harmonies et à construire des accords ; puis de chant à Paris.

« Quand j’ai un coup de cœur, je l’écoute en boucle »

Faut-il écouter beaucoup pour apprendre à bien jouer ?

Je pense qu’écouter est une bonne chose, en effet ; et c’est ce que j’ai fait : quand j’ai un coup de cœur pour un artiste, je l’écoute en boucle.

Quelles musiques vous influencent, aujourd’hui ?

Tony Joe White, John Butler, Norah Jones, Jerry Lee Lewis, Jimi Hendrix, Johnny Winter, Lightin’ Hopkins, Chuck Berry…

C’est une sorte de melting pot… Après, dans la musique, faut rester soi-même, et ne pas trop se laisser influencer ! Les gens aiment quand un artiste propose quelque chose d’original, et il faut donc cultiver ça ! J’essaye en tout cas de rester moi-même, de ne pas copier les autres et de ne pas régurgiter du Clapton, bêtement.

Un article, sur vous, a été titré : « Barthet, le bluesman lunaire » : cela vous correspond ?

Je comprends en lisant le titre : « Qui éclaire, qui rayonne » ; du coup, c’est plutôt agréable.

Et le terme « bluesman », c’est logique…

Oui, cela me correspond. Après, en fonction des journalistes et des médias, on me classe rock, blues, chanson française, variété. Ça dépend. Mais tout me va. L’étiquetage, c’est pour les rayons des magasins.

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« Une oeuvre progresse sans arrêt »

 

Vous dites souvent que l’album est le brouillon du suivant : qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela veut dire que j’essaye de m’améliorer à chaque fois. Lors de la création, je peaufine, je prends du recul, laisse mûrir et reposer, puis je reviens. Je prends mon temps. En général, je mets plusieurs années pour fabriquer un album. J’ai même attendu quatre ans entre le nouvel album (sorti en septembre 2019), et le précédent. C’est un luxe de pouvoir faire ça ! Toutes les maisons ne l’acceptent pas forcément et demandent, par exemple, un disque tous les deux ans !

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Mais vous aimez, cette liberté ?

Je suis consciencieux, en réalité. Et même si on dit que le mieux est l’ennemi du bien… (Sourire.) Quand j’écoute mon travail, parfois je réagis et me dis : « Là, j’aurais pu être moins propre, salir plus », ou : « A ce niveau, c’est trop brouillon, j’aurais pu rendre ce passage plus propre. » C’est comme un peintre qui serait tenté, sans arrêt, de remettre une petite couche de couleur sur son œuvre. En fait, une œuvre n’est jamais finie. Elle peut progresser sans arrêt. Polir la pierre est un travail infini, non ?

Mais il faut respecter la date de sortie de l’album…

Faut en effet tenir les engagements, être raisonnable. Et arrêter de vouloir remanier sans arrêt l’album. Au bout de 5-6 retouches, ça suffit. J’ai de la chance, je le fais en partie à la maison avec mon matos, mon propre studio ! Il faut même cultiver ses défauts, et, d’ailleurs, ça fait son charme !

Et vous aimez parler de quoi dans les morceaux ?

J’écris sur tout, tout ce que je ressens peut se retrouver dans mes textes. Y a beaucoup de vécu, d’expériences personnelles. Au début de ma carrière, c’était peut-être 90 % de mes chansons. Maintenant, je romance un peu plus. J’aborde aussi beaucoup de questions du quotidien, comme l’amour, forcément ! Ou la famille, yes

Et l’actualité, également. Sur les frontons des mairies, on lit : liberté, égalité, fraternité. C’est la devise, mais ce n’est pas toujours le cas. Régulièrement, j’écris des chansons sur la planète, sur l’environnement, l’écologie. Nous, artistes, on ne change pas la face du monde, mais on a le droit de rêver. Et parfois, ça se concrétise ! (Sourire.)

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Avec le temps, et avec l’expérience, lors de la présentation de l’album en concert, le stress s’efface ?

Non, le trac, on l’a toujours ! Faut arrêter la musique si on n’en a plus ! Après, au bout de 3-4 morceaux, en live, si l’on voit que l’équipe sur scène réagit bien, et que tout se passe comme il faut, la tension retombe, et on se sent bien ! / Propos recueillis par Philippe Lesaffre