Agent très spécial de Diego Maradona pendant 30 ans, Guillermo Coppola n’a cessé de faire la Une des tabloïds argentins. Et pour cause: sa vie de playboy est aussi folle qu’une télénovela !

les couvertures du Zéphyr

En 1948, année de naissance de Guillermo, le quartier populaire de Constitucion, dans l’Est de Buenos Aires, est majoritairement peuplé de Boliviens, descendus des Andes à la recherche d’un travail. Fils d’un chauffeur de camion et d’une esthéticienne, Guillermo, qui partage un lit avec ses frères, commence à travailler à 12 ans comme livreur d’orange, avant de démarrer à 15 ans une carrière d’employé de banque.

Habile, ambitieux, il gravit les échelons de la Banco de Credito argentine jusqu’à obtenir une bourse d’études pour passer un diplôme de gestion.

En 1973, alors que le banquier négocie un prêt avec le joueur Alberto Tarantini, un défenseur du Boca junior, équipe phare du championnat national, Coppola lui suggère de s’assurer les services d’un agent, histoire de préserver ses intérêts. « Et pourquoi pas vous ? », réplique le footballeur. Le garçon, fan du ballon rond comme tout Argentin qui se respecte, accepte volontiers.

En parallèle de son job, le self-made-man veillera sur la carrière de plus de 200 joueurs, dont les légendaires Hugo Gatti et Oscar Ruggieri.

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En 1985, son compagnon de beuverie, Carlos Randazzo, dit Carly – le gardien du Boca Juniors – lui présente la légende Maradona.

Le célébrissime numéro 10, star absolue en Argentine, vient de vivre une année difficile à Naples, qui l’a acheté pour 12 millions de dollars, un record mondial à l’époque. Son imprésario et ami d’enfance, Jorge Cyterszpiler, s’est avéré incapable de protéger le joueur de la meute des paparazzi, qui lui interdisent de vivre sa vie d’étalon napolitain sans que des scandales n’éclatent dans les tabloïds du matin.

Coppola, qui a fini par lâcher son boulot de banquier pour se consacrer à sa carrière d’agent de joueurs, est alors une figure de la nuit buenos-airienne. Ces fiestas avec son ami Carly sont légendaires, si bien que Randazzo sera… condamné en 1993 pour trafic de drogue. Et c’est cette réputation d’oiseau de nuit qui semble persuader Maradona que Coppola, avec son entregent et ses réseaux, pourrait bien lui offrir la tranquillité dont il a besoin.

« Il suffira de quelques soirées aventureuses pour que Diego et Guillermo soient comme cul et chemise », confiera Carly dans les colonnes du Buenos Aires Economico.

Mais Maradona n’acceptera de lâcher son agent et ami Cyterszpiler qu’à une condition : un contrat d’exclusivité entre Coppola et lui. C’est, en fait, moins d’un agent que d’un véritable ami et confident (voire d’un dealer ?), dont le buteur a besoin.

Coppola, le parrain de la nuit

Alors que la popularité de Maradona croît dans le cœur des Napolitains, El Pibe de Oro a de plus en plus de secrets à cacher. Ses frasques, certes, mais surtout son addiction à la cocaïne, qui lui a permis de supporter son mal-être durant son séjour au FC Barcelone, où il s’est senti relégué au rang de métèque de service.

Or, avec Guillermo, la vie et les filles sont belles. Protégé par les relations de son agent – certains soupçonnent des accointances avec la Camorra – , Diego peut tout se permettre.

L’agent très spécial est capable de tout. Ainsi, de passage à Paris, le joueur et son entourage fréquentent, en douce, la fameuse boîte gay le Queen (aujourd’hui fermée). Repérés par un paparazzi, Coppola et lui sautent dans une Rolls-Royce décapotable qui stationnait là. « C’est Maradona ! Allez roule ! » aurait ordonné le playboy au chauffeur.

« Six années inoubliables »

Réunis par la drogue, les deux oiseaux de nuit ne se quittent plus. « J’ai vécu six années inoubliables avec Diego, résume Coppola dans une interview, évoquant son autobiographie intitulée de son surnom : Guillotte (Planeta, 2009). Les championnats à Naples, une coupe UEFA, une coupe d’Italie, deux Coupe du monde. Six ans au sommet de la vague. Ensemble, nous avons rencontré le prince Charles, Fidel, Jean-Paul II, Rod Stewart. J’ai photographié Catherine Deneuve à Monte-Carlo. On a connu le luxe, les excès, la gloire, et les plus belles femmes d’Argentine. »

la biographie de maradona

Dans son livre, il raconte comment, un soir qu’il rentrait de Naples en Argentine, il a reçu l’appel d’une association de mères d’enfants non reconnus. « J’ai cru que c’était une blague de Marcello Tinelli (un présentateur vedette argentin, ndlr). » Guillermo traverse toute la capitale pour trouver, dans une petite maison, une grand-mère lui tendant un bébé et un test ADN. « J’ai touché le menton (du bébé) et j’ai dit : “Ça, c’est de moi !” » Il prénommera sa fille Camila. Depuis, il a épousé et divorcé trois starlettes de la télé, avec qui il a eu 3 autres filles.

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Mauvaise graine

Dès les années 90, l’entourage du grand footballeur tente d’éloigner Coppola, accusé de mauvaise influence. C’est Marcos Franchi, gestionnaire de fortune de Maradona, qui s’y colle. Il fera capoter, en 1991, le transfert de Maradona à l’OM. « Maradona voulait quitter Naples », raconte à Europe 1 Didier Roustan, alors directeur sportif du club marseillais : dès 1984, la star se cloître « dans une sorte de manoir-bunker dont il ne pouvait presque pas sortir », poursuit-il à la radio. Et les promesses de Tapie – salaire, villa, tranquillité – l’attirent.

Mais Franchi aurait dégoûté Maradona de Marseille : “N’y va pas, ils sont aussi tarés que les Napolitains. Ce n’est pas la peine de quitter des tarés pour des tarés.” La preuve : à Marseille, sa voiture a été coursée par les paparazzi de l’aéroport jusqu’au stade Vélodrome.

Après une suspension pour dopage, Maradona quitte l’Italie pour l’Espagne, dont il partira suspendu. Le N°10 organise son retour avec Coppola, qui lui déniche, en 1993, une place dans le club argentin de Newell’s. Le talent de Guillermo et ses réseaux dans les médias ont payé… au grand dam des détracteurs du playboy.

Bref, les affaires reprennent. Et, même si Diego est au crépuscule de sa carrière footballistique, l’amitié entre le deux compères est au beau fixe. Or, à ce moment-là, une étrange affaire de poterie indienne va faire plonger Coppola pour trafic de drogue et meurtre.

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L’affaire Coppola

On aurait voulu le piéger, on ne s’y serait pas mieux pris. Le 9 octobre 1996, une armada de flics fédéraux se rue dans la villa de Guillermo. À l’origine de ce raid, la découverte de 400g de cocaïne bas de gamme dans un vase indien, chez une amie de l’agent… qui le dénonce. La justice le soupçonne aussi d’avoir commandité le meurtre du « roi de la nuit » Poli Armentano, assassiné en 1994, quelques heures après une dispute (avec Coppola) dans un restaurant chic de Buenos Aires.

Inculpé, Guillermo est incarcéré à la prison de Caceros, le Rikers Island d’argentine. Dès son arrivée en taule, il est victime d’une macabre tentative de coup monté. Alors qu’il attend pour téléphoner à sa famille, un prisonnier l’agrippe et tente de lui scotcher un miroir brisé dans la main, avant de jeter sur cette « lame » un autre détenu. Une mise en scène et un piège destinés à faire de lui un meurtrier. « En cinq secondes, les autres prisonniers m’ont encerclé pour que le gardien ne puisse rien voir », raconte-t-il au Buenos Aires Economico.

« Ma première nuit au trou »

Il ne comprend pas que ses codétenus ont ainsi tenté de le protéger, de lui donner une chance de se libérer. Guillermo se débat. « J’étais comme l’incroyable Hulk : avec une force surhumaine, j’ai réussi à me dégager à coups de pied et me suis précipité vers le gardien pour tout lui raconter. » Vingt minutes plus tard, son assaillant est arrêté… mais lui n’est pas tiré d’affaire pour autant. “Les autres m’ont mis un manche à balai en travers de la gorge. Il criaient : “On t’a sauvé la peau et tu nous a même pas dit merci !” D’autres voulaient me piquer avec la seringue d’un séropositif. L’enfer. Cette nuit-là, j’ai dormi l’œil ouvert. C’était ma première nuit au trou. »

Au final, Coppola passera 97 jours en détention, dont une bonne partie dans le quartier de haute sécurité de Dolores, une prison pour criminels en col blanc. « Ces 97 jours ont duré 10 ans. » Il sera finalement relâché après la première audition : non-lieu, accusations mensongères. Guillermo est libre, mais brisé.

En son absence, Maradona s’est laissé convaincre par certains que Coppola détournait l’argent de sa famille. Le joueur porte plainte. C’est le coup de grâce. Même si Diego retirera ses accusations le jour de l’audience, le mal est fait : la dépression de l’ex-playboy durera 3 ans.

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« Diego est dans le coma »

Malgré tout, les deux compères se rabibochent. On les retrouvent, début 2000, dans l’hacienda d’un milliardaire, au cœur d’un drame digne d’une télénovela, encore.

Ce matin du 4 janvier, le jeune docteur Romero débute son quatrième jour dans un service d’urgence. Son premier appel est celui de Guillermo Coppola : « Je suis avec Diego Maradona, qui dort depuis deux jours. Nous n’arrivons pas à le réveiller. On a besoin d’un instrument pour surveiller son cœur. »

« Monsieur ! s’étonne le médecin de 28 ans, s’il ‘dort’ depuis deux jours, il ne dort pas. Il est dans le coma. »

Dans un entretien exclusif avec l’équipe de Teleshow, l’urgentiste raconte comment il a rejoint la villa, à 23 km de sa polyclinique, où il découvre un Maradona obèse, en crise d’hypertension et arythmie cardiaque. Plus inquiétant encore, le « dormeur » multiplie les apnées du sommeil. « C’est très sérieux, prévient le médecin. Il est mourant. Il faut l’hospitaliser. » Coppola refuse. La presse va le lyncher si le public le voit ainsi ! Le docteur Romero négocie et parvient à convaincre l’agent d’El-10. « Nous ne pouvons pas attendre une ambulance, il faut partir maintenant ! »

« Bon, accorde Coppola, allons-y ! Mais avant, je dois prendre une douche et me changer. Je suis un personnage public, je ne vais pas sortir comme ça ! »

Pendant que Guillermo entame sa toilette, Romero se lance dans un massage cardiaque. « (Cela durait) une éternité. Diego mourait et personne ne comprenait ce qui se passait. » 

D’habitude, le médecin se contente d’envoyer les patients en salle d’examen. Là, il comprend que, si Maradona meurt, il restera à jamais « le jeune incompétent qui a laissé crever le plus grand footballeur du monde ». Enfin, Coppola déboule, obtient les clés d’une camionnette du ranch… mais s’arrête quelques kilomètres plus tard pour faire le plein ! « Nous avons perdu un bon quart d’heure dans cette station-service ! », se souvient l’urgentiste, dépité.

Les voici enfin à la polyclinique où Maradona est immédiatement admis en soins intensifs. Le meilleur cardiologue du coin est dépêché à son chevet.

Une multiprise surchargée de godemichets…

2001 : nouvel an, nouvelle frasque. Arrêté en état d’ébriété en compagnie de Maradona, Coppola est emmené à la prison de Caseros pour passer la nuit du réveillon. Fou de ne pouvoir fêter la nouvelle année avec son meilleur ami, Maradona tente de frapper le commissaire, histoire de finir dans la même cellule que Guillermo.

Et les enfantillages continuent ! En janvier 2002, les deux complices mettent le feu au quartier du Parc, à Buenos Aires. Une multiprise surchargée de godemichets en recharge aurait pris feu, emportant la maison louée par Coppola pour Diego, ainsi qu’une partie du terrain. Pour expliquer l’ampleur de la catastrophe, certains médias avancent que Maradona avait entreposé des feux d’artifice dans la baignoire de l’étage. Garant, Guillermo est sommé par les proprios de rembourser les dégâts causés par l’incendie. « Ils m’ont achevé ! » 

La rupture

2005 : la fête est finie. Dans une lettre au procureur fédéral, Diego Maradona accuse (encore) Guillermo d’escroquerie. “Il a volé l’argent de mes filles !” annonce El-10, sans oublier d’ajouter, très solennel : “Et pour mes filles, je suis prêt à tuer.”

Même si le footballeur retirera une nouvelle fois sa plainte, les deux hommes ne se reverront pas de sitôt. Maradona mettra 10 ans à pardonner à son meilleur ami un crime… que ce dernier a toujours nié avoir commis. Une décennie durant laquelle Coppola attendra les coups de fil de son « frère » pour son anniversaire… tout en racontant sa folle vie aux médias d’Amérique latine, signant notamment en 2013 une série documentaire autobiographique, Yo Guillermo, sur Channel 5 News.

Les obsèques de Don Diego, le père de Maradona, leur donneront l’occasion de se revoir. Enfin. Mais, « la fiesta se termino », même si, à 70 ans, Guillermo trouve toujours le temps de se faire prendre en photo, cigare aux lèvres, au fond d’une piscine, pour la couverture de son autobiographie.

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Un best-seller en argentine, qui ne laisse pas indifférent les géants du streaming. « Netflix veut transformer mon histoire en série, a récemment déclaré Guillermo au Buenos Aires Economico. Amazon veut faire un biopic. Mais la vie que j’avais avec Diego ne peut pas être achetée par l’argent de Zuckerberg ou Jeff Bezos. J’ai simplement décidé d’être heureux et d’aller à la messe tous les dimanches. »

Morale de l’histoire : vous retrouverez bientôt les tribulations de Guillermo sur Amazon Prime Vidéo, dans une série sur la vie du roi Maradona. / Camille Andrade