À 25 ans, la chanteuse Rosalía, venue du flamenco classique, réveille la pop en lui donnant des accents andalous inédits. L’occasion de redécouvrir l’art du flamenco, entre chant, danse et passions tristes.

les couvertures du Zéphyr

« Que suerte tengo ! (J’ai tellement de chance !) », sourit Rosalía en regardant ses fans new-yorkais venus à Time Square savourer deux titres de son nouvel album El Mal Querer. Six ans plus tôt, elle se produisait déjà dans la City of lights, mais devant un maigre public de passionnés de flamenco, lors d’une représentation confidentielle du très classique Carmen Flamenco. Entre ces deux prestations, la nouvelle pop-star espagnole a su réinventer une musique folklorique du XVIIIe siècle dont le monde avait presque tout oublié.

« À la première écoute de Malamente [le dernier single de Rosalía dont le clip atteint les 30 millions de vues sur Youtube, ndlr], j’étais sceptique, reconnaît Nathalie Garcia Ramos, directrice de l’école Flamenco en France, à Paris. Je ne reconnaissais pas le flamenco. Mais, après deux ou trois écoutes, j’avoue que je commence à adorer ! » Étonnant de voir comment la Barcelonaise Rosalía Vila Tobella, née en 1993, est parvenue à conquérir le cœur des aficionados de Flamenco, une tradition musicale vieille de trois siècles.

Elle fait grincer des dents

Pour cette gamine passionnée de chant, tout à commencé à 13 ans, lorsqu’elle tombe amoureuse de la voix du chanteur de flamenco Camarón de la Isla. « C’est LE chanteur de référence, confirme Nathalie Garcia Ramos. Comme Rosalía, il est en rupture avec le Flamenco pura – pur – comme on dit. Cet artiste a fait connaître le flamenco bien au-delà de l’Espagne. C’était un gitan, et il a introduit de nouveaux instruments comme le sitar (instrument de musique à cordes pincées). À la sortie de son disque La leyenda del tiempo, en 1979, les gens rapportaient le vinyle aux disquaires en disant que ce n’était pas du flamenco. Rien que dans sa façon de chanter, tout en force, presque en cri. C’était une nouveauté pour les puristes. Aujourd’hui, c’est au tour de Rosaliá de faire grincer des dents ! »

Depuis sa rencontre avec la voix de Camarón de la Isla, Rosalía se passionne pour cette musique traditionnelle andalouse qui mêle chant, guitare et danse. Un joyau du patrimoine espagnol, gitan… et catalan. Car Barcelone est une vraie ville de flamenco, d’où sont originaires de grandes voix comme Miguel Poveda. Ce quadragénaire, fondateur du courant du nouveau flamenco, deviendra son mentor. C’est d’ailleurs en duo avec lui que la jeune Rosaliá interprétera Carmen à New York en 2012.

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Des touches orientales

Nathalie Garcia Ramos n’est pas surprise de cette collaboration. Elle nous explique que Miguel Poveda est connu pour faire travailler de jeunes talents.

Cette représentation sera le tournant de la jeune carrière de Rosalía. Un an plus tard, à 20 ans, elle sortira son premier single de flamenco, intitulé Catalina, dans lequel pointent déjà des touches de rock, de jazz et de musique pop…

Mais son dernier album, El mal querer (Le mal aimé), va plus loin, rompant totalement avec la tradition pour créer un nouveau genre, mêlant flamenco et hip-hop. Oui, on peut dire que Rosalía vient de disrupter le flamenco. Son single, Malamente, est en effet totalement pop…  Même si on peut y retrouver tous les ingrédients qui font la recette originale du flamenco.

Tout au long de l’album, on retrouve le son des Palmas, ces claquements de main bien connus. Or, ce n’est pas tout. “Elle respecte les codes de la musique flamenco. On reconnaît les Tangos ou les Bulería, elle respecte les rythmes. Elle reprend les textes traditionnels. Parfois, on entend des touches orientales, mais c’est, et il ne faut pas l’oublier, que la musique arabe fait partie de l’ADN du flamenco, qui est le fruit des métissages et des invasions espagnoles.”

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Avec Pharrell Wiliams

L’album El mal querer lui a valu d’être nommée lors des Latin Grammy Awards 2017 et en fera peut-être la future reine de la pop. Déjà, Pharrell Williams, dont on connaît les qualités de découvreur de talents, travaille avec elle sur son prochain projet solo.

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On a hâte ! En attendant, vous pouvez assister au spectacle organisé par l’école Flamenco en France, qui reçoit la famille Moneo, les meilleurs représentants du flamenco gitan de la ville de Jerez de la Frontera (en Andalousie), les 16 et 17 novembre, dans la salle Ravel à Levallois-Perret, en région parisienne. / Camille Andrade