Comédien populaire, homme de théâtre, auteur… et père d’une petite fille autiste, Samuel Le Bihan s’engage depuis plusieurs années pour démystifier ces troubles, que l’on associe encore souvent à la folie, et mettre en place des outils qui profiteront à celles et ceux qui en ont besoin.

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Parler de l’intime, du souffle et du regard d’un enfant dont on devine les sentiments, le long d’un téléfilm d’une heure et demie… Ça n’a rien d’une évidence cinématographique. Il faut avoir connu le doute et la fragilité d’une paternité accidentée pour y parvenir. Comédien prolifique, notamment vu dans Le Pacte des loups et Trois Zéro, Samuel Le Bihan est également le papa d’une petite Angia atteinte d’autisme. Plus d’un homme aurait accusé le coup et subi de plein fouet l’épreuve au travers de cette vie naissante. Mais pas lui.

Samuel a pris le taureau par les cornes et s’est directement engagé dans le débat public. Un engagement qui le conduit actuellement à signer pour France 2 T’en fais pas, j’suis là (diffusé sur France 2 le 26 octobre), un téléfilm bouleversant qui explore sa propre histoire et celle de milliers de familles frappées par le poids de cette « différence ». « J’ai écrit ce film avec la détermination de jouer le premier rôle », explique-t-il pour commencer. Lui qui a publié Un bonheur que je ne souhaite à personne (Flammarion – 2018) avait à cœur d’évoquer la vie d’un homme qui apprend à être père et à affronter les événements qui le frappent de plein fouet.

Il le résume d’ailleurs en quelques mots simples et très concrets en le qualifiant de lâche et d’égoïste. « Jonathan est centré sur lui-même. C’est une vie dénuée d’amour qu’il traverse et qui le révèle finalement à lui-même lorsqu’il doit s’occuper de son fils autiste. »

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Une vie d’homme et de père

On n’est pas un homme parce qu’un âge fatidique nous tombe dessus sans crier gare. Stromae le chantait, en d’autres circonstances, avec son Papaoute. « Tout le monde sait comment on fait les bébés, mais personne ne sait comment on fait les papas. » On l’apprend, pas à pas, sans recette miracle. On se teste, on expérimente. On fait des erreurs. L’histoire de Jonathan, le père que campe Samuel Le Bihan le prouve au travers d’un récit touchant et plus drôle qu’on ne pourrait l’imaginer. Loin de la sinistrose à laquelle on associe souvent les autistes et les murs que l’on devine autour d’eux, l’artiste a choisi le contre-pied pour coller à une réalité qu’il connaît et rencontre au travers de ses engagements.

« Je ne voulais surtout pas d’un film triste, accablant. J’en ai donc fait une œuvre sincère et souriante. Et je vais le faire vivre comme tel », assure-t-il. Son personnage est lâche, veule, tricheur. Il le sait, s’en rend compte. Il voudrait se dérober… mais fini par être rattrapé par ce fils qui ne saurait exprimer tout ce qu’il a sur le cœur. « Sans le verbe, mais avec des gestes et des attentions, un langage commun s’instaure entre Jonathan et son fils. C’est en acceptant de laisser l’amour entrer dans sa vie qu’il devient un homme et un père », insiste-t-il.

Une histoire intime et personnelle

« Ce n’est pas un secret. Ma fille est autiste », assène-t-il franchement. Une réalité que le cinéaste prend à bras-le-corps. Contrairement au personnage qu’il campe dans T’en fais pas, j’suis là, Samuel Le Bihan s’est très rapidement engagé pour faire connaître l’autisme et soutenir les familles concernées. De sa renommée, il a fait un porte-voix pour ceux qui ne s’expriment pas.

Il est ainsi devenu le parrain d’Autistes sans frontières et de SOS autisme, deux des associations les plus actives sur la question. En outre, il a lancé un projet tout à fait inédit en France. Sous son impulsion, Autisme Info Service, une plateforme active d’écoute et de conseils a été mise en place en avril 2019 et profite désormais à des milliers de familles.

« Je suis très heureux de ce projet. J’utilise moi-même souvent la plateforme quand nous nous déplaçons avec ma fille. Ça me permet de connaître des choses très concrètes comme l’adresse d’un dentiste adapté par exemple », précise-t-il.

Le bonheur d’aider les autres

Au-delà des enfants, les familles, elles aussi, souffrent. Jugées, pointées du doigt, mises à l’écart parce qu’anormales, elles s’épuisent à mesure que les heures de plomb s’écoulent. Elles vivent dans une indifférence qui confine à l’incompréhension générale. C’est le destin de milliers d’aidants familiaux qui mettent leur existence entre parenthèse pour soutenir un proche.

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« L’autisme vous éloigne, vous isole des autres. On devrait pourtant l’intégrer à la société », explique-t-il. En ajoutant que « l’échange et la prise de conscience sont cruciaux. Les enfants, autistes ou non, s’enrichissent mutuellement. Les enfants typiques progressent humainement dans leur appréciation de la vie, de la fragilité. Ils touchent du doigt le bonheur de venir en aide aux autres », poursuit-il. Ce qui donne du goût à la vie, selon lui, ce n’est pas de se battre pour soi, mais pour les autres. Au-delà de l’humanité que renferme cette pensée, Samuel Le Bihan a sans doute également résumé le sens d’une vie d’artiste.

L’autisme encore invisibilisé en France

Selon des chiffres présentés par l’association Autisme France, le nombre des cas avérés tournerait autour de 700 000. Parmi ces profils souffrant d’un trouble du spectre autistique, 60 000 personnes seraient officiellement autistes. Chaque année, plus de 8 000 enfants autistes naissent, représentant 1 personne sur 100. Malgré l’ampleur des statistiques, les infrastructures publiques et les outils adaptés manquent toujours pour des familles qui, bien souvent, doivent supporter la situation seules.

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« Au-delà des coûts, c’est le regard des gens qui pèse le plus lourd. On a tendance à percevoir les autistes comme des gens bizarres, des fous, même. Alors que ce n’est pas le cas. Ils ne communiquent pas de la même manière que les personnes typiques, mais ils communiquent », précise-t-il.

Pour lui, l’essentiel est de faire en sorte que l’on parle de l’autisme, d’amener les gens à le comprendre et le considérer à sa juste mesure. Pour ce faire, l’acteur n’hésite pas à user de sa notoriété et de son image en enchaînant les projets et les mobilisations. Au-delà de la plateforme qu’il a lancée, il prend régulièrement la parole dans les médias nationaux.

Les aidants familiaux en première ligne

Toujours sur la brèche, les aidants familiaux font largement partie de l’équation et ne sont toujours pas soutenus comme ils le devraient. En décembre 2018, Le Zéphyr étaient parti à la rencontre de ces héros anonymes qui mettent leur vie entre parenthèses pour soutenir l’un des leurs. Durant plusieurs mois, la rédaction les avait interrogés, avait marché dans leurs pas pour comprendre leur quotidien. Un quotidien fait d’incertitudes et de détresse face à leur isolement. Un constat que partage Samuel Le Bihan. « Quand le handicap entre dans une famille, ça l’isole. Les gens s’en détournent et les liens sont coupés. »

En France, plus de onze millions de personnes soutiennent et aident un proche en perte d’autonomie. Parmi elles, la moitié est salariée et doit jongler entre une baisse de revenus et des dépenses liées à la personne soutenue. Il y a bien eu quelques réformes consistant notamment en une indemnité forfaitaire allouée à celles et ceux qui doivent prendre leurs distances avec un emploi, mais nombre de facettes de leur vie reste en suspens.

Une attention permanente

Interrogé en janvier 2020 par nos confrères d’Europe 1, Samuel Le Bihan résumait la relation qu’il entretient avec sa fille avec des mots simples. « J’ai décidé que son repère, ce serait moi. On a beaucoup voyagé, elle me suit en tournage », expliquait-il alors au micro de Mathieu Noël. Mais au-delà de la déclaration d’un père, cette attention que Samuel porte à Angia en dit long sur les besoins des personnes atteintes d’autisme. Les soins, le contact, les stimulations cognitives sont cruciales dans leur développement.

Si la demoiselle de huit ans peut compter sur son papa, il n’en va pas forcément de même pour tous les enfants concernés par ces troubles. Les infrastructures manquent souvent hors des grandes villes, laissant les familles démunies face à la situation. Une lutte supplémentaire qu’il faut livrer jour après jour et que les principales associations spécialisées mènent. / Jérémy Felkowski